Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VIII.djvu/82

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
79
LE VIDE ET LE MOUVEMENT DANS LE VIDE

un certain ubi auquel ne peut immédiatement succéder le terme vers lequel tend le moteur dont la force est finie ; le mobile, en effet, n’est pas pleinement obéissant à un moteur dont la force est finie.

» D’autre part, par résistance du milieu au mobile et au moteur, j’entends tout ce qui précède nécessairement l’arrivée au terme qui doit être atteint ; ce sont les intermédiaires qui se trouvent, rangés suivant leur ordre naturel, entre la forme que le mobile possède présentement et le terme à atteindre ; ces intermédiaires, dis-je, résistent au mobile et au moteur de telle sorte que la force finie du moteur ne puisse amener instantanément le mobile au terme à atteindre. »

Duns Scot a soin de marquer constamment cette restriction : La force du moteur est finie. Il demeure convaincu, en effet, de l’un des principes de la Dynamique péripatéticienne ; il croit que, toutes choses égales d’ailleurs, la vitesse du mobile est proportionnelle à la force du moteur ; c’est pourquoi il s’empresse de déclarer « qu’une force infinie pourrait amener immédiatement le mobile au terme du mouvement. »

Si nous nous bornons au cas d’un mobile de force finie, nous reconnaîtrons sans peine le lien qui unit la pensée du Docteur Subtil à celle de ses prédécesseurs. La résistance du mobile au moteur est caractérisée et distinguée de la force résistance, qui opère dans le mouvement violent en des termes presque identiques à ceux dont avait usés Thomas d’Aquin. Quant à la résistance du milieu (medium) ou, mieux, des intermédiaires (media), si nous hésitions à y reconnaître celle que Gilles de Rome a définie afin, d’ailleurs, de la rejeter, notre hésitation prendrait fin en lisant les lignes où le Scriptum Oxoniense déclare que, « par ces intermédiaires qui résistent au mobile et lui permettent de ne pas être instantanément au terme, on peut entendre… la divisibilité de la forme selon laquelle se fait le mouvement, la divisibilité du chemin à parcourir.

À cette résistance, Scot associe, d’ailleurs, celle qui provient « de la divisibilité des parties du mobile ». Il est permis de voir là un souvenir de l’opinion de Thomas d’Aquin qui voulait que le mobile résistât en raison de sa matière première pourvue de dimensions, de sa materia quanta ou, en d’autres termes, de sa quantité de matière.

Parmi l’obscurité des propos de Duns Scot, nous percevons cependant la lueur de l’idée qui, comme un éclair, avait brillé un instant dans la raison de Thomas d’Aquin. Les efforts des