Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VIII.djvu/85

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
82
LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

Le Docteur Subtil affirme donc[1] qu’il y a, « en tout corps grave ou léger une puissance active qui les porte au lieu qu’ils sont naturellement destinés à occuper. »

Par ce principe actif intrinsèque, le corps pesant agit sur lui-même exactement de la même manière qu’il peut agir sur un autre mobile : « Supposons[2] qu’à un corps pesant soit attaché un corps léger dont la légéreté n’excède pas le poids du premier ; il meut ce corps léger et l’entraîne avec lui vers le centre ou Monde,… il ne le meut, d’ailleurs, que par son poids…

Or, une chose qui possède une puissance active relative à une certaine forme peut causer cette forme en tout patient qui lui est proportionné et qui est suffisamment rapproché ; mais le poids a puissance active pour tirer vers le lieu inférieur, car il possède cette puissance à l’égard de ce corps léger qu’il entraîne avec lui ; d’autre part, ce grave lui-même se trouve hors de ce lieu bas, il est apte à recevoir cette forme et il en est privé ; il est proportionné à lui-même et rapproché de lui-même ; il peut donc causer cette forme en lui-même…

» Si un grave[3], placé en un lieu élevé, poussait un autre corps vers le centre, nul ne doute que ce grave ne fût le principe du mouvement de l’autre corps. Il ne joue pas moins le rôle de cause active à l’égard de sa propre descente… Le grave cause en lui-même cet effet, et il ne le produit en aucun autre corps si ce n’est qu’il le cause d’abord en lui-même. »

Qu’un grave soit le siège d’une certaine force, appelée poids ; que le poids soit ce qui meut le grave lorsqu’il tombe ; que ce poids soit toujours et exclusivement appliqué au grave lui-même ; qu’il ne puisse mouvoir directement un autre corps, mais qu’il le meuve seulement d’une manière indirecte, en mouvant d’abord le grave auquel il est appliqué et auquel cet autre corps est lié ; ce sont là manières de penser et de parler qui nous sont si familières qu’à peine pouvons-nous comprendre qu’elles soient le fruit d’un long et pénible effort. Cet effort, nous venons d’en être témoins ; nous l’avons vu, sous nos yeux, ruiner ce principe qui portait toute la Dynamique péripatéticienne : Tout corps inanimé est mû par un moteur extrinsèque, quidquid movetur ab alio movetur.

Duns Scot n’ignore pas que sa doctrine va à l’encontre de ce

1. Duns Scot, loc. cit., Concedo…

2. Duns Scot, loc. cit., Et si dicatur…

3. Duns Scot, loc. cit., Respondes…

  1. 1
  2. 2
  3. 3