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LE VIDE ET LE MOUVEMENT DANS LE VIDE

grand principe : « Vous me ferez cette objection, dit-il 1 : Si le Philosophe accordait que le grave se meut effectivement lui-même… comment garderait-il sa proposition principale que de tels corps sont nécessairement mus par autre chose ? Car c’est cela qu’il entend surtout prouver. »

Le grave n’a pas besoin d’un moteur extrinsèque pour le mouvement par lequel il se rapproche de son lieu naturel ; mais cette activité est nécessairement précédé d’une autre mise en acte, de celle qui lui a conféré une forme substantielle douée de gravité, la forme terrestre par exemple ; or cette première mise en acte a requis un moteur, un générateur extrinsèque. Au gré de Duns Scot, cela doit suffire à Aristote, qui entendait démontrer la nécessité d’un premier moteur immobile : « Encore donc que tout corps grave où léger se meuve effectivement lui-même de la puissance seconde à l’acte second, toutefois, de la puissance première à l’acte premier, il est simple mobile, il est mû par quelque autre chose qui lui est extrinsèque. Pour que tout ce qui est en mouvement soit mû par autrui, il n’est pas nécessaire qu’il soit mû par autrui en tous ses mouvements ; il suffit au Philosophe que cela soit vrai du premier de ces mouvements, car par là on parviendra à quelque chose qui sera autre que tous ces corps-là, qui ne pourra être mû par autrui ni en un de ses mouvements ni en aucun d’eux, mais qui sera absolument un moteur immobile. » Assurément, on sauvera ainsi la Théologie du Stagirite, mais non point sa Dynamique.

Nous voici bien loin, semble-t-il, du mouvement dans le vide et de la résistance intrinsèque qui rend ce mouvement successif. Non pas ; nops y sommes, au contraire, ramenés. Outre la matière première et la forme substantielle, Duns Scot met, en tout grave, un principe actif, la gravité, qui en est le moteur ; si l’on fait abstraction de cette gravité, ce qui reste, c’est-à-dire le composé de matière première et de forme substantielle, constitue le mobile que ce moteur doit entraîner ; c’est en ce mobile que résidera la résistance intrinsèque cherchée par les partisans d’Ibn Bâdjâ.

Comment les disciples de Scot exposaient cette pensée, nous le saurons par Marsile d’Inghen, qui reproduit cet exposé pour le combattre.

« Dans le mouvement d’un grave simple ou d’un corps léger

1. Duns Scot, loc. cit., Respondes…