Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VIII.djvu/90

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
87
LE VIDE ET LE MOUVEMENT DANS LE VIDE

tième, qui est ainsi libellée[1] : « Si le mouvement local de translation est successif, est-ce précisément parce que l’espace est doué de grandeur ? » Écoutons sa réponse, qui est d’une particulière fermeté.

« Voici ce que je dis S’il existait un espace privé de tout, sauf de la grandeur, mais qui fût doué d’une grandeur véritable, qui eût un bout distant de l’autre bout et séparé de lui par une partie intermédiaire (medium) distincte de tous deux ; que ce milieu, d’ailleurs, résistât ou non au mobile ; que le mobile pût coexister (esse simul) avec ce milieu ou qu’il ne le pût pas ; dans un tel espace, le mouvement s’accomplirait véritablement dans le temps, il serait vraiment successif ; en effet, par le fait même que le mobile ne pourrait se trouver simultanément en des lieux, distincts les uns des autres, qui lui soient égaux, il atteinarait une certaine partie qui lui soit égale avant d’en atteindre une autre ; c’est donc dans le temps qu’il franchirait l’espace et non pas en un instant. On voit donc clairement que dans le mouvement local de translation, le caractère successif provient précisément de ce que l’espace est doué de grandeur. — Ex quo patet quod successio in motu locali recto est præcise propter quantitatem spatii. »

Dans ces deux questions, Guillaume d’Ockam n’a pas parlé du mouvement dans le vide ; il n’a même pas prononcé le mot de vide, sans doute afin de ne point mêler des problèmes distincts, afin de n’avoir pas à discuter les difficultés soulevées par l’existence du vide et par les affirmations qu’on est en droit de formuler au sujet du vide. Il se contente de considérer un milieu doué de grandeur, possédant des parties distinctes, mais dénué de toute autre qualité et tel que le mobile puisse coexister avec lui sans le diviser. Par cela seul que ce milieu est doué de grandeur, le mouvement y sera successif. Or, lorsque les partisans du mouvement dans le vide prononcent le mot : vide, c’est bien un tel milieu qu’ils conçoivent. De la raison qui impose, au mouvement dans le vide, l’obligation de durer un certain temps, Guillaume d’Ockam formule avec la plus grande clarté ce que Roger Bacon avait indiqué, ce que Gilles de Rome avait rejeté, ce que Duns Scot avait repris en termes concis et obscurs.

1. Guglelmi de Okam Op. laud., quæst. LXXXVIII : Utrum successio in motu locali recto sit précisé propter quantitatem spatii. Ms. cit., fol. 16, col. a.

  1. 1