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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

encore produire et un mouvement peut être plus vite qu’un autre.

» Il vous faut remarquer avec soin que la succession provient, dans le mouvement, de la divisibilité de l’espace et du milieu, que ce milieu soit positif ou qu’il soit privatif », comme l’est le vide selon Henri de Gand et Duns Scot.

« La vitesse ou la lenteur essentielle provient de la divisibilité ou de la diversité du moteur et de la divisibilité ou diversité du mobile.

» Quant à la vitesse [ou lenteur] accidentelle, le mouvement la tient de la résistance du mouvement plein, qui est plus rare ou plus dense, plus subtil ou plus épais, qui favorise ou empêche le mouvement.

» Disons donc que, dans le vide, il y aura mouvement successif, car il y a là espace, milieu privatif et distance privative, car les parois qui contiennent le vide ne se touchent pas. La vitesse essentielle du mouvement née de la divisibilité et de la diversité du moteur peut exister dans le vide ; quant à la vitesse qui, dans le mouvement, provient de la divisibilité et de la diversité du mobile, existe-t-elle ou non dans le vide, cela est douteux. Enfin la vitesse accidentelle que le mouvement tient de la résistance du milieu plein, plus rare ou plus dense, qui favorise ou empêche le mouvement, celle-là n’existe aucunement dans le vide. »

À l’appui de cette distinction entre la vitesse essentielle, qui dépend seulement de l’espace à franchir, * du moteur et du mobile, qui est la même dans le plein que dans le vide, et la vitesse accidentelle, effet de Faction perturbatrice du milieu, qui disparaît complètement dans le vide, Nicolas Bonet expose des considérations qui sont, nous l’avons vu, textuellement empruntées à Duns Scot. Puis il conclut en ces termes :

« Disons donc d’une manière générale que tous les raisonnements d’Aristote et d’Averroès, s’ils démontrent quelque chose, ne démontrent que ceci : Dans le vide, il ne se produit aucun mouvement doué d’une vitesse accidentelle qui provienne de la résistance d’un milieu plein, plus rare ou plus dense, qui favorise ou empêche le mouvement. Mais ils ne démontrent pas qu’il ne puisse y avoir, dans le vide, un mouvement tenant d’ailleurs sa vitesse ou sa lenteur, comme il arrive dans le mouvement des corps célestes où la vitesse ou la lenteur provient de la diversité dans la force des moteurs, et non de la diversité du milieu. »