Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VIII.djvu/94

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
91
LE VIDE ET LE MOUVEMENT DANS LE VIDE

De la distinction scotiste entre la vitesse essentielle et la vitesse accidentelle, Nicolas Bonet fait successivement application[1] au mouvement naturel des graves et au mouvement violent des projectiles.

Comme la plupart de ses contemporains, il attribue à une impulsion du milieu l’accélération qui se remarque en la chute d’un grave. Il en conclut donc que, dans le vide, « le mouvement naturel ne serait pas, à la fin, plus vite qu’au début.

» Quant au mouvement violent, nous devons dire encore qu’il serait plus lent à la fin qu’au commencement ; j’entends parler du mouvement des projectiles, et à supposer qu’on l’y pût produire. Voici la raison de cette proposition : Cette force ou forme imprimée au mobile, par celui qui l’a lancé, s’atténue et s’affaiblit continuellement et, par conséquent, meut de plus en plus lentement.

» Mais, en outre, le mouvement violent accompli dans le plein est plus lent à la fin qu’au début, parce que le mobile est obligé de diviser les parties d’air qui lui résistent, qui mettent obstacle à son mouvement et le retardent ; elles rendent donc son mouvement plus lent, que si elles n’opposaient pas cette résistance. Dans le vide, au contraire, il n’y a aucune résistance, en sorte qu’en son principe comme en son milieu, le mouvement serait plus rapide dans le vide que dans le plein.

» Il en résulte évidemment que, dans le vide, le mouvement porterait plus loin, en sorte qu’il franchirait un plus grand espace et parviendrait à un terme plus éloigné ; le mouvement, en effet, à son début et en son milieu, étant plus rapide dans le vide que dans le plein, il en résulte qu’il parcourra un plus grand espace, car, en un même temps, un mobile mû plus rapidement franchit un plus grand espace.

» Cela peut être rendu manifeste par le signe que voici : L’expérience nous apprend qu’en un même temps, un mobile mû de mouvement violent parcourra un plus grand espace en un milieu plus rare qu’en un milieu plus dense ; au début comme au milieu de sa course, ce mobile mû de mouvement violent se meut plus vite [dans le premier milieu que dans le second] ; et toute la cause en est en la moindre résistance. Cela aura donc lieu également dans le vide, où il n’y a plus aucune résistance.

» Vous me demanderez peut-être si un mouvement violent,

1. Nicolai Bonetï Op. laud., lib. V, cap. IV ; ms, n° 6678, fol. 150, v° et fol. 151, r° ; ms. n° 16132, fol. 118, col. c et d.

  1. 1