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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

dont il sera comme le second fondateur ; avec eux sont partis une foule de « suppôts » de la Nation Anglaise, Colomann Cholb, Gérard de Kalkar, Henri de Odendorp, André de Langenstein, Michel de Francfort, Jean Bersword, Pierre Engelhard d’Autriche, Christian de Hongrie, et une foule d’autres. Cologne, Prague, Vienne, Heidelberg accueillent avec joie ces porteurs de la science que l’École nominaliste a créée ou développée ; mais les chaires du haut desquelles cette science a été, tout d’abord, professée, demeurent désertes.

De ces maîtres illustres, Pierre d’Ailly restait seul. Grand maître du Collège de Navarre en 1383, chancelier de Notre-Dame de Paris en 1389, aumônier du Roi, trésorier de la Sainte-Chapelle, évêque du Puy vers 1395, de Cambrai vers 1398, enfin, en 1411, cardinal de la Sainte Église Romaine au titre de Saint-Chrysogone, Pierre ne permit ni aux honneurs toujours plus grands qui le comblaient, ni aux tâches consciencieusement accomplies de ses charges multiples, ni à l’ardeur avec laquelle il s’efforçait de ramener l’unité dans l’Église, de lui faire oublier ses études de maître ès arts ; à la veille du Concile de Pise, par son Exortation sur la réforme du calendrier, il maintenait en vigueur la tradition astronomique des Jean de Murs et des Firmin de Belleval. Mais lorsque la mort eut fait taire la grande voix de l’Aigle de France, la Science parisienne entra dans une longue éclipse.

En effet, les dernières années du xive siècle et la première moitié du xve siècle forment peut-être la plus douloureuse période de l’histoire de Paris et de son Université.

En 1378, la double élection du pape Urbain VI à Rome et du pape Clément VII en Avignon coupa l’Église en deux tronçons ; l’unité ne devait être rétablie qu’en 1417.

En 1380, Charles V mourait, laissant le trône à un enfant qui ne devait atteindre l’âge d’homme que pour perdre la raison ; aussitôt après la mort du sage réorganisateur de la France, la guerre avec les Anglais reprenait, plus âpre que jamais, rendue plus désastreuse et plus effroyable par les sanglantes querelles des Armagnacs et des Bourguignons, par les pillages des Écorcheurs ; et la paix ne se devait asseoir qu’en 1453 !

De 1378, donc, à 1453, l’Université de Paris vécut dans le schisme et dans la guerre. Ce que fut cette vie, les documents contemporains nous le laissent soupçonner ; nous devinons par eux qu’on n’en pourrait imaginer de plus désolée.

Le schisme qui déchirait l’Église brisait, en même temps,