Page:Duliani - La ville sans femmes, 1945.djvu/195

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
193
LES MUSES

maestro au double talent de compositeur et d’exécuteur, titulaire de la chaire d’orgue d’une grande église de Toronto. Ce grand jeune homme au nez aquilin très prononcé, frémissant comme sa musique dont l’inspiration mélodique est étayée par une solide technique, ne vit réellement que lorsqu’il est assis au clavier, devant une feuille rayée. Alors, il n’est plus le même. On le sent transporté dans un autre « climat », très loin de nous, dans le royaume céleste des sons, où vraiment l’homme semble pouvoir approcher un peu de Dieu. Ses doigts se meuvent avec une agilité surprenante, et à une vitesse vertigineuse, soit qu’il passe d’une touche à l’autre, soit qu’il saisisse les portées entières, ou qu’il trace des « pattes de mouches » entre les rayures du papier…

En dehors de ces moments, ce musicien parfait est un homme nerveux. Il ne tient pas en place. On le voit un peu par ici, un peu par là, rôder dans le camp en rongeant le frein de se sentir bridé, lui qui possède la faculté de brider cette chose merveilleuse qu’est l’harmonie.

Depuis qu’il est au camp, il a composé plusieurs morceaux qui ont été créés ici même et accueillis par un très vif succès. D’abord une « Chanson de prisonnier » que tout le monde fredonne maintenant. Ensuite, une « Prière » sur paroles d’un autre médecin, un chirurgien de valeur, dont j’ai déjà parlé, qui manie la rime avec autant de sûreté que le scalpel. Enfin, il a composé sept Oratorii pour orgue, dans lesquels il a