Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/128

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se laisser réduire ; c’est monsieur de Coigny : il rencontre le roi dans un corridor, lui fait une scène entre deux portes. Le roi se sauve, et dit en riant le soir :

— En vérité, je crois que si je n’eusse cédé, Coigny m’eût battu.

Le roi est si bon !

Puis, les destinées d’un royaume tiennent parfois à bien peu de chose, à l’éperon d’un page, par exemple.

Louis XV meurt ; qui succédera à monsieur d’Aiguillon ?

Le roi Louis XVI est pour Machaut. Machaut, c’est un des ministre qui ont soutenu le trône déjà chancelant. Mesdames, c’est-à-dire les tantes du roi, sont pour monsieur de Maurepas, qui est si amusant et qui fait de si jolies chansons. Il en a fait à Pontchartrain trois volumes, qu’il appelle ses Mémoires.

Tout ceci est une affaire de steeple-chase. Qui arrivera le premier, du roi et de la reine à Arnouville, où de Mesdames à Pontchartrain ? Le roi a le pouvoir entre les mains, les chances sont donc pour lui. Il se hâte d’écrire :


« Partez à l’instant même pour Paris, Je vous attends. »


Il glisse la dépêche dans une enveloppe, et sur l’enveloppe il écrit :


« Monsieur le comte de Machaut, à Arnouville. »


Un page de la grande écurie est appelé, on lui remet le pli royal ; on lui ordonne de partir à franc étrier.

Maintenant que le page est parti, le roi peut recevoir Mesdames. Mesdames, les mêmes que leur père appelait, comme on l’a vu dans Balsamo, Locque, Chiffe et Graille, trois noms éminemment aristocratiques, Mesdames attendent à la porte opposée à celle par laquelle le page sort que le page soit sorti.

Une fois le page sorti, Mesdames peuvent entrer.

Elles entrent, supplient le roi en faveur de monsieur de Maurepas ; tout cela est une question de temps ; le roi ne veut pas refuser Mesdames : Le roi est si bon !

Il accordera quand le page sera assez loin, pour qu’on ne rattrape pas le page.

Il lutte contre Mesdames, les yeux sur la pendule, une demi-heure lui suffit ; la pendule ne le trompera point, c’est la pendule qu’il règle lui-même.

Au bout de vingt minutes, il cède :

— Qu’on rattrape le page, dit-il, et tout sera dit !