Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/174

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— Écoutez-moi, dit de Launay ; aussi vrai que je tiens à la main votr. mort à tous, si un seul de vous fait un pas pour pénétrer dans cette cour, je mets le feu aux poudres.

Ceux qui entendirent ces paroles crurent sentir le sol trembler sous leurs pieds.

— Que voulez-vous ? que demandez-vous ? crièrent plusieurs voix avec l’accent de la terreur. — Je veux une capitulation honorable. Les assaillants ne tiennent pas compte des paroles de de Launay ; ils ne croient pas à cet acte de désespoir ; ils veulent entrer. Billot est à leur tête. Tout à coup. Billot tremble, pâlit ; il faut qu’il vive.

— Arrêtez ! s’écria Billot en se jetant au-devant d’Élie et d’Hullin ; arrêtez, au nom des prisonniers !

Et ces hommes, qui ne craignaient pas la mort pour eux, reculèrent blêmes et tremblants à leur tour.

— Que voulez-vous ? demandent-ils, renouvelant au gouverneur la question qui lui a déjà été faite par la garnison. — Je veux que tout le monde se retire, dit de Launay. Je n’accepterai aucune proposition tant qu’il y aura un étranger dans les cours de la Bastille. — Mais, dit Billot, ne profiterez-vous pas de notre absence pour remettre tout en état ? — Si la capitulation est refusée, vous retrouverez toutes choses comme elles sont : vous à cette porte, moi à celle-ci. — Vous nous donnez votre parole ? — Foi de gentilhomme !

Quelques-uns secouèrent la tête.

— Foi de gentilhomme ! répète de Launay. Y a-t-il quelqu’un ici qui doute quand un gentilhomme a juré sur sa parole ? — Non, non, personne ! répétèrent cinq cents voix. — Que l’on m’apporte ici du papier, une plume et de l’encre.

Les ordres du gouverneur furent exécutés à l’instant.

— C’est bien, dit de Launay.

Puis, se retournant vers les assaillants :

— Et maintenant, vous autres, retirez-vous.

Billot, Hullin et Élie donnèrent l’exemple, et se retirèrent les premiers.

Tous les autres les suivirent.

De Launay mit la mèche de côté, et commença d’écrire la capitulation sur son genou.

Les invalides et les suisses, qui comprenaient que c’était de leur salut qu’il s’agissait, le regardaient faire en silence et dans une sorte de respectueuse terreur.

De Launay se retourna avant de poser la plume sur le papier. Les cours étaient libres.