Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/216

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tion  ? — D’être un des médecins par quartier du roi. — Oh ! rien de plus aisé. Mais la reine ? — Une fois près du roi, c’est mon affaire. — Mais si elle vous persécute ? — Alors, je ferai avoir une volonté au roi.

— Une volonté au roi ? vous serez plus qu’un homme si vous faites cela,

— Celui qui dirige le corps est un grand niais s’il n’arrive pas un jour à diriger l’esprit. — Mais ne croyez-vous point que ce soit un mauvais précédent pour devenir médecin du roi que d’avoir été enfermé à la Bastille ? — C’est le meilleur, au contraire. N’ai-je pas été, selon vous, persécuté pour crime de philosophie ? — C’est ma crainte. — Alors, le roi se réhabilite, le roi se popularise en prenant pour médecin un élève de Rousseau, un partisan des nouvelles doctrines, un prisonnier sortant de la Bastille, enfin. La première fois que vous le verrez, faites-lui valoir cela. — Vous avez toujours raison ; mais une fois près du roi, je puis compter sur vous ? — Entièrement, tant que vous demeurerez dans la ligne politique que nous adopterons. — Que me promettez-vous ? — De vous prévenir du moment précis où vous devez faire retraite. Necker regarda un instant Gilbert ; puis d’une voix assombrie :

— En effet, c’est le plus grand service qu’un ami dévoué puisse rendre à un ministre, car c’est le dernier.

Et il se plaça devant sa table pour écrire au roi. Pendant ce temps, Gilbert relisait la lettre en disant :

— Comtesse de Charny ! qui donc cela peut-il être ? — Tenez, Monsieur, dit Necker au bout d’un instant en présentant à Gilbert ce qu’il venait d’écrire.

Gilbert prit la lettre et lut.

Elle contenait ce qui suit :

« Sire,

«  Votre Majesté doit avoir besoin d’un homme sûr, avec qui elle puisse causer de ses affaires. Mon dernier présent, mon dernier service en quittant le roi, c’est le don que je lui fais du docteur Gilbert. J’en dirai assez à Votre Majesté en lui apprenant non-seulement que le docteur Gilbert est un des médecins les plus distingués qui existent au monde, mais encore l’auteur des mémoires : Administrations et politiques, qui l’ont , si vivement impressionnée.

«  Aux pieds de Votre Majesté,

« Baron de Necker. »

Necker ne data point sa lettre, et la remit au docteur Gilbert, cachetée d’un simple sceau.