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XXV

CHEZ LA REINE


Tandis que le roi apprenait à combattre philosophiquement la révolution en faisant un cours de sciences occultes, la reine, philosophe bien autrement solide et profond, avait rassemblé autour d’elle, dans son grand cabinet, tous ceux que l’on appelait ses fidèles, sans doute parce qu’il n’avait encore été donné à aucun d’eux de prouver ou d’essayer sa fidélité.

Chez la reine aussi, la terrible journée avait été racontée dans tous ses détails.

Elle avait même été la première instruite, car, la sachant intrépide, on n’avait point fait de difficulté de la prévenir du danger.

Autour de la reine on voyait des généraux, des courtisans, des prêtres et des femmes.

Aux portes, et derrière les tapisseries tendues devant ces portes, se tenaient des groupes de jeunes officiers pleins de courage et d’ardeur, qui voyaient dans toutes ces révoltes une occasion longtemps attendue de faire, comme dans un tournoi, de belles armes devant les dames.

Tous, familiers et serviteurs dévoués à la monarchie, avaient écouté avec attention les nouvelles de Paris racontées par monsieur de Lambesc, qui, ayant assisté aux événements, était accouru à Versailles avec son régiment, encore tout poudreux du sable des Tuileries, donner la réalité comme consolation à ces gens effarés, dont quelques-uns, si grand qu’il fût, s’exagéraient encore le malheur.

La reine était assise à une table.

Ce n’était plus la belle et douce fiancée, ange protecteur de la France, que nous avons vue paraître au seuil de cette histoire, franchissant la barrière du Nord une branche d’olivier à la main. Ce n’était même plus cette belle et gracieuse princesse que nous avons vue entrer un soir avec la princesse de Lamballe dans la mystérieuse demeure de Mesmer, et s’asseoir, rieuse et incrédule, auprès du baquet symbolique auquel elle venait demander une révélation de l’avenir.

Non ! c’était la reine hautaine et résolue, au sourcil froncé, à la lèvre dédaigneuse ; c’était la femme dont le cœur avait laissé échapper une portion de son amour, pour recevoir, en place de ce doux et vivifiant