Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/326

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d’hommes à pied, venant de Paris, apparaissait à l’extrémité de la grande allée qui aboutit à la place d’Armes.

À l’instant même, officiers et gardes s’élancèrent hors de la salle ; le roi leva la tête, regarda Gilbert, mais voyant que Gilbert souriait, il se remit tranquillement à manger.

La reine pâlit, se pencha vers monsieur de Beauvau pour le prier de s’informer.

Monsieur de Beauvau courut précipitamment dehors.

La reine s’avança vers la fenêtre.

Cinq minutes après, monsieur de Beauvau rentra.

— Sire, dit-il en rentrant, ce sont les gardes nationaux de Paris qui, sur le bruit répandu hier dans la capitale du dessein qu’aurait Votre Majesté d’aller voir les Parisiens, se sont réunis au nombre d’une dizaine de mille pour venir au-devant de vous ; et, tout en venant au-devant de vous, voyant que vous tardiez, ont poussé jusqu’à Versailles. — Quelles intentions paraissent-ils avoir ? demanda le roi. — Les meilleures du monde, répondit monsieur de Beauvau. — N’importe ! dit la reine, fermez les grilles. — Gardez-vous-en, dit le roi ; c’est bien assez que les portes du palais restent fermées.

La reine fronça le sourcil et lança un coup d’œil à Gilbert.

Celui-ci attendait ce regard de la reine, car la moitié de sa prédiction était réalisée déjà. Il avait promis l’arrivée de vingt mille hommes ; il y en avait déjà dix mille.

Le roi se retourna vers monsieur de Beauvau.

— Veillez à ce que l’on donne des rafraîchissements à ces braves gens, dit-il.

Monsieur de Beauvau descendit une seconde fois et transmit aux sommeliers les ordres du roi.

Puis il remonta.

— Eh bien ? demanda le roi. — Eh bien ! sire, vos Parisiens sont en grande discussion avec messieurs les gardes. — Comment ! fit le roi, il y a discussion ? — Oh ! de pure courtoisie. Comme ils ont appris que le roi part dans deux heures, ils veulent attendre le départ du roi et marcher derrière le carrosse de Sa Majesté. — Mais, demanda à son tour la reine, ils sont à pied, je suppose ? — Oui, madame. — Eh bien ! mais le roi a des chevaux à sa voiture, et le roi va vite, très-vite. Vous savez, monsieur de Beauvau, que le roi a l’habitude d’aller très-vite.

Ces mots accentués signifiaient :

— Attachez des ailes à la voiture de Sa Majesté.

Le roi fit signe de la main d’arrêter le colloque.

— J’irai au pas, dit-il.