Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/352

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fautes de français ! On voyait bien qu’il n’avait pas fait son éducation chez l’abbé Fortier. — Va toujours, dit Billot, tu sais bien qu’on peut être bon patriote et ne savoir ni lire ni écrire. — C’est vrai, dit Pitou. Quand tout à coup un homme est accouru tout essoufflé : Victoire ! s’est-il écrié, victoire ! Foulon n’était pas mort, Foulon vit toujours : je l’ai découvert, je l’ai trouvé ! On était comme vous, père Billot, on ne voulait pas croire. Les uns disaient : Quoi ! Foulon ? — Oui. Les autres disaient : Allons donc ! — Allons donc ! tant que vous voudrez. D’autres enfin disaient encore : Eh bien ! pendant que tu y étais, tu aurais bien dû en même temps découvrir son gendre Berthier. — Berthier ! s’écria Billot. — Oui, Berthier de Savigny. Vous savez bien, notre intendant de Compiègne, l’ami de monsieur Isidore de Charny ? — Sans doute, celui qui était toujours si dur avec tout le monde, et si poli avec Catherine. — Précisément, dit Pitou, une horreur de traitant, une deuxième sangsue du peuple français, l’exécration du genre humain, la honte du monde civilisé, comme dit le vertueux Loustalot. — Eh bien, Eh bien ? demanda Billot. — C’est vrai, dit Pitou, ad eventum festina, ce qui veut dire, cher monsieur Billot : hâte-toi vers le dénouement. Je continue donc : cet homme arrive au club des Vertus tout essoufflé, en criant : Je l’ai trouvé Foulon, je l’ai trouvé ! Là-dessus, un cri énorme. — Il se trompait ! dit la tête dure de Billot. — Il ne se trompait pas, puisque je l’ai vu. — Tu l’as vu, toi, Pitou ? — De mes deux yeux. Attendez donc. — J’attends, mais tu me fais bouillir. — Ah ! mais écoutez donc, j’ai assez chaud aussi, moi… Je vous dis donc qu’il s’était fait passer pour mort, qu’il avait fait enterrer un de ses valets à sa place. Heureusement la Providence veillait. — Allons donc, la Providence ! fit dédaigneusement le voltairien Billot. — Je voulais dire la nation, reprit Pitou avec humilité. Ce bon citoyen, ce patriote essoufflé, qui annonçait la nouvelle, il l’avait reconnu à Viry, où il se tenait caché. — Ah ! ah ! — L’ayant reconnu, il le dénonça, et le syndic, un nommé monsieur Rappe, le fit arrêter sur-le-champ. — Et quel est le nom du brave patriote qui a eu le courage de commettre une pareille action ? — De dénoncer Foulon ? — Oui. — Eh bien ! on l’appelle monsieur Saint-Jean. — Saint-Jean ; mais c’est un nom de laquais, cela ? — Eh ! c’est aussi le laquais de ce scélérat de Foulon. Aristocrate, va ! c’est bien fait, pourquoi as-tu des laquais ? — Pitou, tu m’intéresses, fit Billot en se rapprochant du narrateur. — Vous êtes bien bon, monsieur Billot. Voilà donc le Foulon dénoncé, arrêté ; on le conduit à Paris, le dénonciateur courait devant pour annoncer la nouvelle et recevoir le prix de la dénonciation, si bien que, derrière lui, Foulon est arrivé à la barrière. — Et c’est là que tu l’as vu ? — Oui, il avait un drôle d’air allez ; on lui avait mis un collier d’orties