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LVIII

COMMENT PITOU, QUI AVAIT ÉTÉ MAUDIT ET CHASSÉ PAR SA TANTE À PROPOS D’UN BARBARISME ET DE TROIS SOLÉCISMES, FUT REMAUDIT ET RECHASSÉ PAR ELLE À PROPOS D’UNE VOLAILLE AU RIZ


Pitou arriva naturellement à Villers-Cotterets par cette partie du parc qu’on appelle la Faisanderie ; il traversa la salle de danse, déserte pendant la semaine, et à laquelle il avait conduit trois semaines auparavant Catherine.

Que de choses s’étaient passées pour Pitou et pour la France pendant ces trois semaines !

Puis, ayant suivi la longue allée de marronniers, il gagna la place du château, et s’en vint frapper à la porte de derrière du collège de l’abbé Fortier.

Il y avait trois ans que Pitou avait quitté Haramont, tandis qu’il n’y avait que trois semaines qu’il avait quitté Villers-Cotterets ; il était donc tout simple qu’on ne l’eût point reconnu à Haramont et qu’on le reconnût à Villers-Cotterets.

En un instant, le bruit se répandit par la ville que Pitou venait d’arriver avec Sébastien Gilbert, que tous deux étaient entrés par la porte de derrière de l’abbé Fortier, que Sébastien était à peu près comme lors de son départ, mais que Pitou avait un casque et un grand sabre.

Il en résulta qu’une foule s’amassa vers la grande porte ; car on pensa bien que si Pitou s’était introduit chez l’abbé Fortier par la petite porte du château, il en sortirait par la grande porte de la rue de Soissons.

C’était son chemin pour aller au Pieux.

En effet, Pitou ne s’arrêta chez l’abbé Fortier que le temps de déposer entre les mains de sa sœur la lettre du docteur, Sébastien Gilbert et cinq doubles louis destinés à payer sa pension. La sœur de l’abbé Fortier eut grand’peur d’abord, quand elle vit s’introduire par la porte du jardin ce formidable soldat ; mais bientôt, sous le casque du dragon, elle reconnut la figure placide et honnête, ce qui la tranquillisa un peu.

Enfin la vue des cinq doubles louis la rassura tout à fait.

Cette crainte de la pauvre vieille fille était d’autant plus facile à expli-