Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/515

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je suis venu droit à vous. — Pour quoi faire ? demanda l’abbé. — Ah ! voilà, dit Pitou en se grattant l’oreille et en examinant l’endroit où était tombé son casque, pour voir si, en allant ramasser cette partie essentielle de son habillement similaire, il ne s’éloignerait pas trop de sa ligne de retraite.

Le casque était tombé à quelques pas seulement de la grande porte donnant sur la rue de Soissons.

— Je t’ai demandé pour quoi faire ? répéta l’abbé. — Eh bien ! dit Pitou, faisant à reculons deux pas vers son casque, voici l’objet de ma mission. Monsieur l’abbé, permettez que je le développe à votre sagacité.

— Exorde, murmura l’abbé.

Pitou fit encore deux pas vers son casque.

Mais, par une manœuvre pareille, et qui ne laissait pas que d’inquiéter Pitou, à mesure que Pitou faisait deux pas vers son casque, l’abbé, pour conserver les distances, faisait deux pas vers Pitou.

— Eh bien ! dit Pitou commençant à prendre courage par le voisinage de son arme défensive, à tout soldat il faut nécessairement des fusils, et nous n’en avons pas. — Ah ! vous n’avez pas de fusils ! s’écrie l’abbé trépignant de joie. Ah ! ils n’ont pas de fusils ! des soldats qui n’ont pas de fusils ! Ah ! voilà, par ma foi, de beaux soldats ! — Mais, monsieur l’abbé, dit Pitou en faisant deux pas nouveaux vers son casque, quand on n’a pas de fusils, on en cherche. — Oui, dit l’abbé, et vous en cherchez ? Pitou était arrivé à portée de son casque, il le ramenait à lui avec son pied, de sorte qu’occupé à cette opération, il tarda de répondre à l’abbé.

— Et vous en cherchez ? répéta celui-ci.

Pitou ramassa son casque.

— Oui, monsieur l’abbé, dit-il. — Et où cela ? — Chez vous, dit Pitou, en enfonçant son casque sur sa tête. — Des fusils chez moi ! s’écria l’abbé. — Oui-, vous n’en manquez pas, vous. — Ah ! mon musée ! s’écria l’abbé. Tu viens pour piller mon musée ! Des cuirasses de nos anciens preux sur le dos de pareils drôles ! Monsieur Pitou, je vous l’ai déjà dit tout à l’heure, vous êtes fou. Les épées des Espagnols d’Almanza, les piques des Suisses de Marignan, pour armer monsieur Pitou et consorts ! Ah ! ah ! ah !

L’ahbc se mit à rire d’un rire tellement plein de dédaigneuse menace, qu’un frisson en courut par les veines de Pitou.

— Non, monsieur l’abbé, dit-il, non pas les piques des Suisses de Marignan, non pas les épées des Espagnols d’Almanza ; non, ces armes nous seraient inutiles. — C’est bien heureux que tu le rccoimaisscs. — Non, monsieur l’abbé, pas ces armes. — Lesquelles, alors ? — Ces bons