Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/516

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fusils de marine, monsieur l’abbé, ces bons fusils de marine que j’ai si souvent nettoyés à titre de pensums, alors que j’avais l’honneur d’étudier sous vos lois : dùm me Galatea tenebat, ajouta Pitou avec un gracieux sourire. — Vraiment ! dit l’abbé en sentant ses rares cheveux se dresser sur sa tête au sourire de Pitou ; vraiment ! mes fusils de marine ! ’ — C’est-à-dire les seules de vos armes qui n’aient aucune valeur historique, et qui soient susceptibles d’un bon service. — Ah ! fit l’abbé, en portant la main au manche de son martinet, comme eût fait un capitaine en portant la main à la garde de son épée ; ah ! voilà le traître qui se dévoile. — Monsieur l’abbé, dit Pitou, passant du ton de la menace à celui de la prière, accordez-nous ces trente fusils de marine. — Arrière ! fit l’abbé en faisant un pas vers Pitou. — Et vous aurez la gloire, dit Pitou en faisant de son côté un pas en arrière, la gloire d’avoir contribué à délivrer le pays de ses oppresseurs. — Que je fournisse des armes contre moi et les miens ! s’écria l’abbé ; que je donne les fusils avec lesquels on tirera sur moi !

Et il tira son martinet de sa ceinture.

— Jamais ! jamais !

Et il agita son martinet au-dessus de sa tête.

— Monsieur l’abbé, on mettra votre nom dans le journal de monsieur Prudhomme. — Mon nom dans le journal de monsieur Prudhomme ! s’écria l’abbé. — Avec mention honorable de civisme. — Plutôt le carcan et les galères ! — Comment, vous refusez ! insista Pitou, mais mollement. — Je refuse, et je te chasse.

Et l’abbé montra du doigt la porte à Pitou.

— Mais cela fera un mauvais effet, dit Pitou, on vous accusera d’incivisme, de trahison. Monsieur l’ubbé, je vous en supplie, dit Pitou, ne vous exposez point à cela. — Fais de moi un martyr, Néron ! c’est tout ce que je demande ! s’écria l’abbé, l’œil flamboyant, et ressemblant bien davanlage à l’exécuteur qu’au patient.

Ce fut l’effet qu’il produisit sur Pitou, car Pitou reprit sa retraite.

— Monsieur l’abbé, dit-il en faisant un pas en arrière, je suis un député paisible, un ambassadeur de pacification, je venais… — Tu venais pour piller mes armes, comme tes complices ont pillé les Invalides. — Ce qui leur a valu une foule d’éloges là-bas, dit Pitou. — Et ce qui te vaudra ici une volée de coups de martinet, dit l’abbé. — Oh ! monsieur Fortier, dit Pitou, qui reconnaissait l’instrument pour une vieille connaissance, vous ne violerez pas ainsi le droit des gens. — C’est ce que tu vas voir, misérable ! attends. — Monsieur l’abbé, je suis protégé par mon caractère d’ambassadeur. — Attends ! — Monsieur l’abbé ! monsieur l’abbé ! ! monsieur l’abbé ! ! !