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que vous êtes fatigués, vous et le sergent, répliqua Pitou, et qu’avant d’instruire les soldats, je veux d’abord instruire les chefs. Et puis, accoutumez-vous, je vous prie, ajouta Pitou d’une voix sévère, à toujours obéir dans le service sans faire d’observations. Les inférieurs s’inclinèrent.

— C’est bien, dit Pitou, affichez l’exercice pour après-demain, quatre heures du matin.

Les deux officiers s’inclinèrent de nouveau, sortirent, et, comme il était neuf heures du soir, ils allèrent se coucher. Pitou les laissa partir. Puis, lorsqu’ils eurent tourné l’angle, il prit sa course dans la direction opposée, et gagna en cinq minutes la futaie la plus sombre et la plus épaisse de la forêt. Voyons quelle était l’idée libératrice de Pitou.


LXVII

LE PÈRE CLOUIS ET LA PIERRE-CLOUISE, OU COMMENT PITOU DEVINT TACTICIEN ET EUT L’AIR NOBLE


Pitou courut ainsi pendant une demi-heure à peu près, s’enfonçant de plus en plus dans la partie la plus sauvage et la plus profonde de la forêt.

Il y avait là, parmi ces hautes futaies trois fois séculaires, adossée à un rocher immense et au milieu de ronciers formidables, une cabane bâtie trente-cinq ou quarante ans auparavant, et qui renfermait un personnage qui avait su, dans son propre intérêt, s’entourer d’un certain mystère.

Cette cabane, moitié creusée dans la terre, moitié tressée au dehors avec des branchages et du bois grumeux, ne prenait de jour et d’air que par un trou obliquement pratiqué dans la toiture.

Cette cabane, assez semblable aux huttes des Bohémiens de l’Albaycin, se trahissait parfois aux regards par les fumées bleues qui s’échappaient de son faîte.

Autrement nul, excepté les gardes de la forêt, les chasseurs, les braconniers et les paysans des environs, n’eût devine que cette hutte servait de demeure à un homme.

Et cependant là, depuis quarante ans, demeurait un vieux garde mis à la retraite, mais à qui monsieur le duc d’Orléans, père de Louis-Philippe, avait accordé la permission de demeurer dans la forêt, de garder