Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/64

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

des environs. — Qu’est-ce que c’est que monsieur de Charny ? demanda Pitou. — C’est le propriétaire du château de Boursonne. — Il dansera donc dimanche ? — Sans doute. — Et avec qui ? — Avec moi.

Le cœur de Pitou se serra sans qu’il sût pourquoi.

— Alors, dit-il, c’est pour danser avec lui que vous voulez vous faire belle ? — Pour danser avec lui, pour danser avec les autres, avec tout le monde. — Excepté avec moi. — Et pourquoi pas avec vous ? — Puisque je ne sais pas danser, moi. — Vous apprendrez. — Ah ! si vous vouliez me montrer, vous, mademoiselle Catherine, j’apprendrais bien mieux qu’en regardant monsieur de Charny, je vous assure. — Nous verrons ça, dit Catherine ; en attendant, il est l’heure de nous coucher ; bonsoir, Pitou. — Bonsoir, mademoiselle Catherine.

Il y avait du bon et du mauvais dans ce qu’avait dit mademoiselle Billot à Pitou : le bon, c’est qu’il était élevé de la fonction de berger et de vacher à celle de teneur de livres ; le mauvais, c’est qu’il ne savait pas danser, et que monsieur de Charny le savait ; au dire de Catherine, il dansait même mieux que tous les autres.

Pitou rêva toute la nuit qu’il voyait danser monsieur de Charny, et qu’il dansait fort mal.

Le lendemain, Pitou se mit à la besogne sous la direction de Catherine ; alors, une chose le frappa : c’est combien, avec certains maîtres, l’étude est une chose agréable. Au bout de deux heures il était parfaitement au courant de son travail.

— Ah ! Mademoiselle, dit-il, si vous m’aviez montré le latin, au lieu que ce fût l’abbé Fortier, je crois que je n’aurais pas fait de barbarismes. — Et vous auriez été abbé ?… — Et j’aurais été abbé, dit Pitou. — De sorte que vous vous seriez enfermé dans un séminaire, où jamais une femme n’aurait pu entrer ?… — Tiens, dit Pitou, je n’avais jamais songé à cela, mademoiselle Catherine… j’aime bien mieux ne pas être abbé !…

À neuf heures, le père Billot rentra ; il était sorti avant que Pitou ne fût levé. Tous les matins, à trois heures, le fermier présidait à la sortie de ses chevaux et de ses charretiers ; puis il courait les champs jusqu’à neuf heures, pour voir si tout le monde était à son poste, et si chacun faisait sa besogne ; à neuf heures, il rentrait déjeuner, et sortait de nouveau à dix ; à une heure on dînait, et l’après-dîner, comme les heures du matin, se passait en inspection. Aussi les affaires du père Billot allaient à merveille. Comme il l’avait dit, il possédait une soixantaine d’arpents au soleil, et un millier de louis à l’ombre. Et il est même probable que si l’on eût bien compté, que si Pitou eût fait ce compte, et qu’il ne fût pas trop distrait par la présence ou par le souvenir de mademoiselle Ca-