Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/88

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noir. — Ange Pitou. C’est un pauvre orphelin que j’ai recueilli par charité, et qui ne sait pas même de quelle matière traite ce livre. — Merci, cher monsieur Billot, dit l’exempt en rejetant le linge dans l’armoire, et en refermant l’armoire sur le linge, mais non pas sur le coffret. Et où est-il, s’il vous plaît, cet aimable garçon ? — Je crois l’avoir aperçu en entrant, près des haricots d’Espagne, sous la tonnelle. Allez, prenez-lui le livre, mais ne lui faites aucun mal. — Du mal, nous ! oh ! cher monsieur Billot, que vous ne nous connaissez guère ! Nous ne ferions pas de mal à une mouche.

Et ils s’avancèrent vers l’endroit indiqué. Arrivés en vue des haricots d’Espagne, ils aperçurent Pitou, que sa grande taille faisait paraître plus redoutable qu’il n’était réellement. Pensant alors que les deux sergents auraient besoin de son aide pour venir à bout de ce jeune géant, l’exempt avait détaché son manteau, avait roulé le coffret dedans, et avait caché le tout dans un coin obscur et à sa portée.

Mais Catherine, qui écoutait l’oreille contre la porte, avait vaguement distingué ces mots : livre, docteur et Pitou. Aussi, voyant éclater l’orage qu’elle avait prévu, avait-elle eu l’idée d’en atténuer les effets. C’est alors qu’elle avait soufflé à Pitou de se déclarer propriétaire du livre. Nous avons dit ce qui s’était passé, comment Pitou lié, garrotté par l’exempt et ses acolytes, avait été mis en liberté par Catherine, qui profita du moment où les deux sergents rentraient pour quérir une table, et l’homme noir pour prendre son manteau et sa cassette. Nous avons dit comment Pitou s’était enfui en sautant par-dessus une haie ; mais ce que nous n’avons pas dit, c’est qu’en homme d’esprit l’exempt avait profité de cette fuite.

En effet, maintenant que la double mission reçue par l’exempt était accomplie, la fuite de Pitou était, pour l’homme noir et les deux sergents, une occasion excellente de s’enfuir eux-mêmes.

L’homme noir, quoiqu’il n’eût aucune espérance de rattraper le fugitif, excita donc les deux sergents, et par sa voix et par son exemple ; si bien qu’à les voir tous les trois par les trèfles, les blés et les luzernes, on les eût pris pour les ennemis les plus acharnés du pauvre Pitou, dont au fond du cœur ils bénissaient les longues jambes.

Mais à peine Pitou se fut-il enfoncé dans le bois, et eux-mêmes en eurent dépassé la lisière, qu’ils s’arrêtèrent derrière un buisson. Pendant leur course, ils avaient été rejoints par deux autres sergents qui se tenaient cachés aux environs de la ferme, et qui ne devaient accourir qu’en cas d’appel de la part de leur chef.

— Ma foi ! dit l’exempt, il est bien heureux que ce gaillard-là n’ait pas eu le coffret au lieu d’avoir le livre. Nous eussions été obligés de