Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/87

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— Bien certainement, dit-il, puisque c’est ce livre qui est l’objet de la perquisition. Seulement, ajouta-t-il avec sa grimace souriante, peut-être nous avouerez-vous un exemplaire, et en avez-vous dix ? — Je n’en ai qu’un, je vous jure. — C’est ce que nous sommes obligés de constater par la perquisition la plus exacte, cher monsieur Billot, dit l’exempt. Prenez donc patience cinq minutes encore. Nous ne sommes que de pauvres agents ayant reçu des ordres de l’autorité, et vous ne voudriez pas vous opposer à ce que des gens d’honneur, il y en a dans toutes les conditions, cher monsieur Billot, vous ne voudriez pas vous opposer à ce que des gens d’honneur fissent leur devoir.

L’homme noir avait trouvé le joint. C’était ainsi qu’il fallait parler à Billot.

— Faites donc, dit-il, mais faites vite.

Et il leur tourna le dos.

L’exempt ferma tout doucement la porte, plus doucement encore donna un tour de clé. Billot le laissa faire en haussant les épaules, bien sûr de tirer la porte à lui quand il voudrait.

De son côté, l’homme noir fit un signe aux sergents qui se remirent à la besogne ; et tous trois, redoublant d’activité, en un clin d’œil, livres, papiers, linge, tout fut ouvert, déchiffré, déplié.

Tout à coup, au fond d’une armoire mise à nu, on aperçut un petit coffret de bois de chêne cerclé de fer. L’exempt tomba dessus comme un vautour sur une proie. À la seule vue, au seul flair, au seul maniement, il reconnut sans doute ce qu’il cherchait, car il cacha vivement le coffret sous son manteau râpé, et fit signe aux deux sergents que la mission était remplie.

Billot s’impatientait juste en ce moment ; il s’arrêta devant sa porte fermée.

— Mais je vous dis que vous ne le trouverez pas si je ne vous dis pas où il est, s’écria-t-il. Ce n’est pas la peine de bousculer tous mes effets pour rien. Je ne suis pas un conspirateur, que diable ! Voyons, m’entendez-vous ? Répondez, ou, mordieu ! je pars pour Paris, où je me plains au roi, à l’Assemblée, à tout le monde.

À cette époque, on mettait encore le roi avant le peuple.

— Oui, cher monsieur Billot, nous vous entendons, et nous sommes tout prêts à nous rendre à vos excellentes raisons. Voyons, dites-nous où est ce livre, et comme nous sommes convaincus maintenant que vous n’avez que ce seul exemplaire, nous le saisirons et nous nous retirerons ; voilà tout. — Eh bien ! dit Billot, ce livre est entre les mains d’un honnête garçon à qui je l’ai confié ce matin pour le porter à un ami. — Et comment s’appelle cet honnête garçon ? demanda câlinement l’homme