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UNE VEILLÉE DE ROI.

en juge des juges. Si ma conviction est la leur, que voulez-vous ? le crime et la loi sont là en face l’un de l’autre, il faut laisser faire la loi ; si je doute, alors je me souviens du droit que Dieu m’a donné, et, sans faire grâce, je conserve au moins la vie. Si mes prédécesseurs eussent fait comme moi, docteur, peut-être eussent-ils eu, au moment où Dieu les a condamnés à leur tour, quelques remords de moins sur la conscience, et quelques regrets de plus sur leur tombeau.

« Je laissais parler le roi, et je regardais, je l’avoue, avec une vénération profonde cet homme tout-puissant, qui, tandis qu’on riait et qu’on plaisantait à vingt pas de lui, se retirait seul et grave, et venait incliner son front sur une longue et fatigante procédure pour y chercher la vérité. Ainsi aux deux extrémités de la société, deux hommes veillaient, occupés d’une même pensée : le condamné, c’est que le roi pouvait lui faire grâce ; le roi, c’est qu’il pouvait faire grâce au condamné.

« — Eh bien ! sire, lui dis-je avec inquiétude, quelle est votre opinion sur ce malheureux ?