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LA REINE MARGOT.

pauvre femme est l’instrument dont on veut se servir pour nous perdre tous. Mais nous verrons si de la reine Margot, comme dit mon frère Charles, on fait si facilement une religieuse.

— De qui donc est cette lettre ? demanda la duchesse de Nevers en montrant le papier que Marguerite venait de lire et de relire avec une si grande attention.

— Ah ! duchesse ! j’ai bien des choses à te dire, répondit Marguerite en déchirant le billet en mille et mille morceaux.




XII

les confidences.


— Et, d’abord, où allons-nous ? demanda Marguerite. Ce n’est pas au pont des Meuniers, j’imagine ?… J’ai vu assez de tueries comme cela depuis hier, ma pauvre Henriette !

— J’ai pris la liberté de conduire Votre Majesté…

— D’abord, et avant toute chose, Ma Majesté te prie d’oublier sa majesté… Tu me conduisais donc…

— À l’hôtel de Guise, à moins que vous n’en décidiez autrement.

— Non pas ! non pas, Henriette ! allons chez toi ; le duc de Guise n’y est pas, ton mari n’y est pas ?

— Oh ! non ! s’écria la duchesse avec une joie qui fit étinceler ses beaux yeux couleur d’émeraude ; non ! ni mon beau-frère, ni mon mari, ni personne ! Je suis libre, libre comme l’air, comme l’oiseau, comme le nuage… Libre, ma reine, entendez-vous ? Comprenez-vous ce qu’il y a de bonheur dans ce mot : libre ?… Je vais, je viens, je commande ! Ah ! pauvre reine ! vous n’êtes pas libre, vous ! aussi vous soupirez…

— Tu vas, tu viens, tu commandes ! Est-ce donc tout ? Et ta liberté ne sert-elle qu’à cela ? Voyons, tu es bien joyeuse pour n’être que libre.