Page:Dumas - La Reine Margot (1886).djvu/145

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
137
LA REINE MARGOT.

— Votre Majesté m’a promis d’entamer les confidences.

— Encore Ma Majesté ; voyons, nous nous fâcherons. Henriette ; as-tu donc oublié nos conventions ?

— Non, votre respectueuse servante devant le monde, ta folle confidente dans le tête-à-tête. N’est-ce pas cela, Madame, n’est-ce pas cela, Marguerite ?

— Oui, oui ! dit la reine en souriant.

— Ni rivalités de maisons, ni perfidies d’amour ; tout bien, tout bon, tout franc ; une alliance enfin offensive et défensive, dans le seul but de rencontrer et de saisir au vol, si nous le rencontrons, cet éphémère qu’on nomme le bonheur.

— Bien, ma duchesse ! c’est cela ; et pour renouveler le pacte, embrasse-moi.

Et les deux charmantes têtes, l’une pâle et voilée de mélancolie, l’autre rosée, blonde et rieuse, se rapprochèrent gracieusement et unirent leurs lèvres comme elles avaient uni leurs pensées.

— Donc il y a du nouveau ? demanda la duchesse en fixant sur Marguerite un regard avide et curieux.

— Tout n’est-il pas nouveau depuis deux jours ?

— Oh ! je parle d’amour et non de politique, moi. Quand nous aurons l’âge de dame Catherine, ta mère, nous en ferons, de la politique. Mais nous avons vingt ans, ma belle reine, parlons d’autre chose. Voyons, serais-tu mariée pour tout de bon ?

— À qui ? dit Marguerite en riant.

— Ah ! tu me rassures, en vérité.

— Eh bien ! Henriette, ce qui te rassure m’épouvante. Duchesse, il faut que je sois mariée.

— Quand cela ?

— Demain.

— Ah bah ! vraiment ! Pauvre amie ! Et c’est nécessaire ?

— Absolument.

— Mordi ! comme dit quelqu’un de ma connaissance, voilà qui est fort triste.

— Tu connais quelqu’un qui dit : Mordi ? demanda en riant Marguerite.

— Oui.

— Et quel est ce quelqu’un ?

— Tu m’interroges toujours, quand c’est à toi de parler. Achève, et je commencerai.