Page:Dumas - Le Collier de la reine, 1888, tome 1.djvu/10

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de l’épilogue prophétique qui termine mon livre de Gaule et France.

« Voilà le gouffre où va s’engloutir le gouvernement actuel. Le phare que nous allumons sur sa route n’éclairera que son naufrage ; car, voulût-il virer de bord, il ne le pourrait plus maintenant, le courant qui l’entraîne est trop rapide, le vent qui le pousse est trop large. Seulement, à l’heure de perdition, nos souvenirs d’homme l’emportant sur notre stoïcisme de citoyen, une voix se fera entendre qui criera : meure la royauté, mais dieu sauve le roi !

« Cette voix sera la mienne, »

Ai-je menti à ma promesse, et la voix qui seule en France a dit adieu à une auguste amitié a-t-elle, au milieu de la chute d’une dynastie, vibré assez haut pour qu’on l’ait entendue ?

La révolution prévue et annoncée par nous ne nous a donc pas pris à l’improviste. Nous l’avons saluée comme une apparition fatalement attendue ; nous ne l’espérions pas meilleure, nous la craignions pire. Depuis vingt ans que nous fouillons le passé des peuples, nous savons ce que c’est que les révolutions.

Des hommes qui l’ont faite et de ceux qui en ont profité, nous n’en parlerons pas. Tout orage trouble l’eau. Tout tremblement de terre amène le fond à la surface. Puis, par les lois naturelles de l’équilibre, chaque molécule reprend sa place. La terre se raffermit, l’eau s’épure, et le ciel, momentanément troublé, mire au lac éternel ses étoiles d’or.

Nos lecteurs vont donc nous retrouver le même, après le 24 février, que nous étions auparavant : une ride de plus au front, une cicatrice de plus au cœur. Voilà tout le changement qui s’est opéré en nous pendant les huit terribles mois qui viennent de s’écouler.