Page:Dumas - Le Collier de la reine, 1888, tome 1.djvu/11

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Ceux que nous aimions, nous les aimons toujours ; ceux que nous craignions, nous ne les craignons plus ; ceux que nous méprisions, nous les méprisons plus que jamais.

Donc, dans notre œuvre comme en nous, aucun changement ; peut-être dans notre œuvre comme en nous, une ride et une cicatrice de plus. Voilà tout.

Nous avons à l'heure qu’il est écrit à peu près quatre cents volumes. Nous avons fouillé bien des siècles, évoqué bien des personnages éblouis de se retrouver debout au grand jour de la publicité.

Eh bien ! ce monde tout entier de spectres, nous l’adjurons de dire si jamais, nous avons fait sacrifice au temps où nous vivions de ses crimes, de ses vices ou de ses vertus : sur les rois, sur les grands seigneurs, sur le peuple, nous avons toujours dit ce qui était la vérité ou ce que nous croyions être la vérité ; et, si les morts réclamaient comme les vivans, de même que nous n’avons jamais eu à faire une seule rétractation aux vivans, nous n’aurions pas à faire une seule rétractation aux morts.

À certains cœurs, tout malheur est sacré, toute chute est respectable ; qu’on tombe de la vie ou du trône, c’est une piété de s’incliner devant le sépulcre ouvert, devant la couronne brisée.

Lorsque nous avons écrit notre titre au haut de la première page de notre livre, ce n’est point, disons-le, un choix libre qui nous a dicté ce titre, c’est que son heure était arrivée, c’est que son tour était venu ; la chronologie est inflexible ; après 1774 devait venir 1784 ; après Joseph Balsamo, le Collier de la reine.

Mais que les plus scrupuleuses susceptibilités se rassurent : par cela même qu’il peut tout dire aujourd’hui, l’historien sera le censeur du poëte. Rien de hasardé sur la femme reine, rien de douteux sur la reine martyre. Faiblesse de l’humanité, orgueil royal, nous peindrons