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Le Collier de la reine


ta dans le palais, poussé par le vent des vestibules, cette pompe royale, ce respect de tous, ces adorations qui venaient au cœur de la reine et rencontraient Taverney en chemin, ce triomphe, disons-nous, frappa de vertige la tête déjà embarrassée du jeune homme.

Une sueur de fièvre perla sur son front, ses pas hésitèrent.

Sans le tourbillon froid qui le frappa aux yeux et aux lèvres, il se fût certainement évanoui.

C’était pour ce jeune homme, après tant de jours lugubrement usés dans le chagrin et dans l’exil, un retour trop soudain aux grandes joies de l’orgueil et du cœur.

Tandis que sur le passage de la reine, étincelante de beauté, se courbaient les fronts et se dressaient les armes, on eût pu voir un petit vieillard à qui la préoccupation faisait oublier l’étiquette.

11 était resté la tête tendue, l’œil braqué sur la reine et sur Taverney, au lieu de baisser sa tête et ses regards. Lorsque la reine s’éloigna, le petit vieillard rompit son rang avec la haie qui se démolissait autour de lui, et on le vit courir aussi vite que le lui permettaient ses petites jambes blanches de soixante-dix ans.


IX.

La pièce d’eau des Suisses.

Chacun connaît ce long carré glauque et moiré dans la belle saison, blanc et rugueux dans l’hiver, qui se nomme encore aujourd’hui la pièce d’eau des Suisses.

Une allée de tilleuls, qui tendent joyeusement au soleil leurs bras rougissans, borde chaque rive de l’étang : cette