Page:Dumas - Le Collier de la reine, 1888, tome 1.djvu/19

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— Par un de mes amis, sommelier du feu roi, qui m’avait de grandes obligations.

— Ah ! ah ! Et qui vous la donna.

— Certes, oui, monseigneur, dit le maître d’hôtel avec orgueil.

— Et qu’en fîtes-vous ?

— Je la déposai précieusement dans la cave de mon maître, monseigneur.

— De votre maître ? Et quel était votre maître à cette époque, monsieur ?

— Monseigneur le cardinal prince Louis de Rohan.

— Ah ! mon Dieu ! à Strasbourg ?

— À Saverne.

— Et vous avez envoyé chercher cette bouteille pour moi ! s’écria le vieux maréchal.

— Pour vous, monseigneur, répondit le maître d’hôtel du ton qu’il eût pris pour dire : ingrat !

Le duc de Richelieu saisit la main du vieux serviteur en s’écriant :

— Je vous demande pardon, monsieur, vous êtes le roi des maîtres d’hôtel !

— Et vous me chassiez ! répondit celui-ci avec un mouvement intraduisible de tête et d’épaules.

— Moi, je vous paie cette bouteille cent pistoles.

— Et cent pistoles que coûteront à M. le maréchal les frais de voyage, cela fera deux cents pistoles. Mais monseigneur avouera que c’est pour rien.

— J’avouerai tout ce qu’il vous plaira, monsieur ; en attendant, à partir d’aujourd’hui je double vos honoraires.

— Mais, monseigneur, il ne fallait rien pour cela ; je n’ai fait que mon devoir.

— Et quand donc arrivera votre courrier de cent pistoles ?

— Monseigneur jugera si j’ai perdu mon temps : quel jour monseigneur a-t-il commandé le dîner ?

— Mais voici trois jours, je crois.

— Il faut à un courrier qui court à franc étrier vingt-quatre heures pour aller, vingt-quatre pour revenir.

— Il vous restait ving-quatre heures : prince des maî-