Page:Dumas - Le Collier de la reine, 1888, tome 1.djvu/20

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tres d’hôtel, qu’en avez-vous fait de ces vingt-quatres heures ?

— Hélas ! monseigneur, je les ai perdues. L’idée ne m’est venue que le lendemain du jour où vous m’aviez donné la liste de vos convives. Maintenant calculons le temps qu’entraînera la négociation, et vous verrez, monseigneur, qu’en ne vous demandant que jusqu’à cinq heures, je ne vous demande que le temps strictement nécessaire.

— Comment ! la bouteille n’est pas encore ici ?

— Non, monseigneur.

— Bon Dieu ! monsieur, et si votre collègue de Saverne allait être aussi dévoué à monsieur le prince de Rohan que vous l’êtes à moi-même ?

— Eh bien ! monseigneur ?

— S’il allait refuser la bouteille, comme vous l’eussiez refusée vous-même ?

— Moi, monseigneur ?

— Oui, vous ne donneriez pas une pareille bouteille, je suppose, si elle se trouvait dans ma cave ?

— J’en demande bien humblement pardon à monseigneur : si un confrère ayant un roi à traiter me venait demander votre meilleure bouteille de vin, je la lui donnerais à l’instant.

— Oh ! oh ! fit le maréchal avec une légère grimace.

— C’est en aidant que l’on est aidé, monseigneur.

— Alors me voilà à peu près rassuré, dit le maréchal avec un soupir ; mais nous avons encore une mauvaise chance.

— Laquelle, monseigneur ?

— Si la bouteille se casse ?

— Oh ! monseigneur, il n’y a pas d’exemple qu’un homme ait jamais cassé une bouteille de vin de deux mille livres.

— J’avais tort, n’en parlons plus ; maintenant votre courrier arrivera à quelle heure ?

— À quatre heures très précises.

— Alors, qui nous empêche de dîner à quatre heures ? reprit le maréchal, entêté comme un mulet de Castille.

— Monseigneur, il faut une heure à mon vin pour se