Page:Dumas - Le Collier de la reine, 1888, tome 1.djvu/42

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il vous promet vingt ans encore. N’est-ce pas, monsieur de Cagliostro ? Ah ! comte, que ne m’avez-vous parlé plus tôt de vos divines gouttes ? à quelque prix que ce fût, j’en eusse embarqué une tonne sur l'Astrolabe. C’est le nom de mon bâtiment, messieurs. Madame, encore un baiser sur votre belle main, la plus belle que je sois bien certainement destiné à voir d’ici à mon retour. — Au revoir !

Et il partit.

Cagliostro gardait toujours le même silence de mauvais augure.

On entendit le pas du capitaine sur les degrés sonores du perron, sa voix toujours gaie dans la cour, et ses derniers complimens aux personnes rassemblées pour le voir.

Puis les chevaux secouèrent leurs têtes chargées de grelots, la portière de la chaise se ferma avec un bruit sec, et les roues grondèrent sur le pavé de la rue.

Lapeyrouse venait de faire le premier pas dans ce voyage mystérieux dont il ne devait pas revenir.

Chacun écoutait.

Lorsqu’on n’entendit plus rien, tous les regards se trouvèrent comme par une force supérieure ramenés sur Cagliostro.

Il y avait en ce moment sur les traits de cet homme une illumination pythique qui fit tressaillir les convives.

Un silence étrange dura quelques instans.

Le comte de Haga le rompit le premier.

— Et pourquoi ne lui avez-vous rien répondu, monsieur ?

Cette interrogation était l’expression de l’anxiété générale.

Cagliostro tressaillit comme si cette demande l’avait tiré de sa contemplation.

— Parce que, dit-il en répondant au comte, il m’eût fallu lui dire un mensonge ou une dureté.

— Comment cela ?

— Parce qu’il m’eût fallu lui dire : Monsieur de Lapeyrouse, monsieur le duc de Richelieu a raison de vous dire adieu et non pas an revoir.