Page:Dumas - Le Collier de la reine, 1888, tome 1.djvu/49

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Non, Sire.

— Dans une sédition ; oui, c’est encore possible.

— Ce n’est point dans une sédition.

— Mais où sera ce donc ?

— Dans un bal, Sire.

Le roi devint rêveur.

Caglioslro, qui s’était levé, se rassit et laissa tomber sa tête dans ses deux mains où elle s’ensevelit.

Tous pâlissaient autour de l’auteur de la prophétie et de celui qui en était l’objet.

Monsieur de Condorcet s’approcha du verre d’eau dans lequel le devin avait lu le sinistre augure, le prit par le pied, le souleva à la hauteur de son œil, et en examina soigneusement les facettes brillantes et le contenu mystérieux.

On voyait cet œil intelligent, mais froid scrutateur, demander au double cristal solide et liquide la solution d’un problème que sa raison à lui réduisait à la valeur d’une spéculation purement physique.

En effet, le savant supputait la profondeur, les réfractions lumineuses et les jeux microscopiques de l’eau. Il se demandait, lui qui voulait une cause à tout, la cause et le prétexte de ce charlatanisme exercé sur des hommes de la valeur de ceux qui entouraient cette table, par un homme auquel on ne pouvait refuser une portée extraordinaire.

Sans doute il noe trouva point la solution de son problème, car il cessa d’examiner le verre, le replaça sur la table, et, au milieu de la stupéfaction résultant du pronostic de Cagliostro :

— Eh bien ! moi aussi, dit-il, je prierai notre illustre prophète d’interroger son miroir magique. Malheureusement, moi, ajouta-t-il, je ne suis pas un seigneur puissant, je ne commande pas, et ma vie obscure n’appartient point à des millions d’hommes.

— Monsieur, dit le comte de Haga, vous commandez au nom de la science, et votre vie importe non-seulement à un peuple, mais à l’humanité.

— Merci, monsieur le comte ; mais peut-être votre avis