Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 1.djvu/185

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— Voyons, reprit l’abbé s’apercevant que l’inspecteur faisait un mouvement pour se retirer, il n’est pas nécessaire que nous soyons absolument seuls ; monsieur le gouverneur pourra assister à notre entretien.

— Mon cher Monsieur, dit le gouverneur, malheureusement nous savons d’avance et par cœur ce que vous direz. Il s’agit de vos trésors, n’est-ce pas ?

Faria regarda cet homme railleur avec des yeux où un observateur désintéressé eût vu certes luire l’éclair de la raison et de la vérité.

— Sans doute, dit-il ; de quoi voulez-vous que je parle, sinon de cela ?

— Monsieur l’inspecteur, continua le gouverneur, je puis vous raconter cette histoire aussi bien que l’abbé, car il y a quatre ou cinq ans que j’en ai les oreilles rebattues.

— Cela prouve, Monsieur le gouverneur, dit l’abbé, que vous êtes comme ces gens dont parle l’Écriture, qui ont des yeux et qui ne voient pas, qui ont des oreilles et qui n’entendent pas.

— Mon cher Monsieur, dit l’inspecteur, le gouvernement est riche et n’a, Dieu merci, pas besoin de votre argent ; gardez-le donc pour le jour où vous sortirez de prison.

L’œil de l’abbé se dilata ; il saisit la main de l’inspecteur.

— Mais si je n’en sors pas de prison, dit-il, si, contre toute justice, on me retient dans ce cachot, si j’y meurs sans avoir légué mon secret à personne, ce trésor sera donc perdu ? Ne vaut-il pas mieux que le gouvernement en profite et moi aussi ? J’irai jusqu’à six millions, Monsieur ; oui, j’abandonnerai six millions, et je me contenterai du reste, si l’on veut me rendre la liberté.