Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 3.djvu/93

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Et le comte, en chantonnant un petit air de la Lucia, alla s’asseoir sur un banc, tandis que Bertuccio le suivait en rappelant ses souvenirs.

Bertuccio resta debout devant lui.



VI

LA VENDETTA.

— D’où monsieur le comte désire-t-il que je reprenne les choses ? demanda Bertuccio.

— Mais d’où vous voudrez, dit Monte-Cristo, puisque je ne sais absolument rien.

— Je croyais cependant que M. l’abbé Busoni avait dit à Votre Excellence…

— Oui, quelques détails, sans doute, mais sept ou huit ans ont passé là-dessus, et j’ai oublié tout cela.

— Alors je puis donc, sans crainte d’ennuyer Votre Excellence…

— Allez, monsieur Bertuccio, allez, vous me tiendrez lieu de journal du soir.

— Les choses remontent à 1815.

— Ah ! ah ! fit Monte-Cristo, ce n’est pas hier, 1815.

— Non, monsieur, et cependant les moindres détails me sont aussi présents à la mémoire que si nous étions seulement au lendemain. J’avais un frère, un frère aîné, qui était au service de l’empereur. Il était devenu lieutenant dans un régiment composé entièrement de Corses. Ce frère était mon unique ami ; nous étions restés orphelins, moi à cinq ans, lui à dix-huit ; il m’avait élevé