Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 4.djvu/130

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conversation soit encore plus pénible pour moi que pour vous.

Villefort sourit amèrement.

— Il est donc vrai, dit-il, répondant à sa propre pensée bien plutôt qu’aux paroles de madame Danglars, il est donc vrai que toutes nos actions laissent leurs traces, les unes sombres, les autres lumineuses, dans notre passé ! Il est donc vrai que tous nos pas dans cette vie ressemblent à la marche du reptile sur le sable et font un sillon ! Hélas ! pour beaucoup, ce sillon est celui de leurs larmes !

— Monsieur, dit madame Danglars, vous comprenez mon émotion, n’est-ce pas ? ménagez-moi donc, je vous prie. Cette chambre où tant de coupables ont passé tremblants et honteux, ce fauteuil où je m’assieds à mon tour honteuse et tremblante !… Oh ! tenez, j’ai besoin de toute ma raison pour ne pas voir en moi une femme bien coupable et en vous un juge menaçant.

Villefort secoua la tête et poussa un soupir.

— Et moi, reprit-il, et moi, je me dis que ma place n’est pas dans le fauteuil du juge, mais bien sur la sellette de l’accusé.

— Vous ? dit madame Danglars étonnée.

— Oui, moi.

— Je crois que de votre part, monsieur, votre puritanisme s’exagère la situation, dit madame Danglars, dont l’œil si beau s’illumina d’une fugitive lueur. Ces sillons, dont vous parliez à l’instant même, ont été tracés par toutes les jeunesses ardentes. Au fond des passions, au delà du plaisir, il y a toujours un peu de remords ; c’est pour cela que l’Évangile, cette ressource éternelle des malheureux, nous a donné pour soutien, à nous autres pauvres femmes, l’admirable parabole de la fille