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ses lèvres de la grille, et ses paroles glissaient, avec son souffle parfumé, jusqu’aux lèvres de Morrel, qui collait sa bouche de l’autre côté de la froide et inexorable clôture.

— Au revoir, dit Valentine, s’arrachant à ce bonheur, au revoir.

— J’aurai une lettre de vous ?

— Oui.

— Merci, chère femme, au revoir.

Le bruit d’un baiser innocent et perdu retentit, et Valentine s’enfuit sous les tilleuls.

Morrel écouta les derniers bruits de sa robe frôlant les charmilles, de ses pieds faisant crier le sable, leva les yeux au ciel avec un ineffable sourire pour remercier le ciel de ce qu’il permettait qu’il fût aimé ainsi, et disparut à son tour.

Le jeune homme rentra chez lui et attendit pendant tout le reste de la soirée et pendant toute la journée du lendemain sans rien recevoir. Enfin, ce ne fut que le surlendemain, vers dix heures du matin, comme il allait s’acheminer vers M. Deschamps, notaire, qu’il reçut par la poste un petit billet qu’il reconnut pour être de Valentine, quoiqu’il n’eût jamais vu son écriture.

Il était conçu en ces termes :


« Larmes, supplications, prières, n’ont rien fait. Hier, pendant deux heures, j’ai été à l’église Saint-Philippe-du-Roule, et pendant deux heures j’ai prié Dieu du fond de l’âme ; Dieu est insensible comme les hommes, et la signature du contrat est fixée à ce soir, neuf heures.

« Je n’ai qu’une parole comme je n’ai qu’un cœur, Morrel, et cette parole vous est engagée : ce cœur est à vous !