Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 4.djvu/284

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Château-Renaud, la mère, où chantaient les Allemands.

Puis, après un silence, et comme s’il n’eût été question de rien :

— Me sera-t-il permis, répéta Morcerf, de présenter mes hommages à mademoiselle Danglars ?

— Oh ! attendez, attendez, je vous en supplie, dit le banquier, en arrêtant le jeune homme ; entendez-vous la délicieuse cavatine, ta, ta, ta, ti, ta, ti, ta, ta ; c’est ravissant, cela va être fini… une seule seconde : parfait ! Bravo ! bravi ! brava !

Et le banquier se mit à applaudir avec frénésie.

— En effet, dit Albert, c’est exquis, et il est impossible de mieux comprendre la musique de son pays que ne le fait le prince Cavalcanti. Vous avez dit prince, n’est-ce pas ? D’ailleurs, s’il n’est pas prince, on le fera prince, c’est facile en Italie. Mais, pour en revenir à nos adorables chanteurs, vous devriez nous faire un plaisir, monsieur Danglars : sans la prévenir qu’il y a là un étranger, vous devriez prier mademoiselle Danglars et M. Cavalcanti de commencer un autre morceau. C’est une chose si délicieuse que de jouir de la musique d’un peu loin, dans une pénombre, sans être vu, sans voir, et, par conséquent, sans gêner le musicien, qui peut ainsi se livrer à tout l’instinct de son génie ou à tout l’élan de son cœur.

Cette fois, Danglars fut démonté par le flegme du jeune homme.

Il prit Monte-Cristo à part.

— Eh bien ! lui dit-il, que dites-vous de notre amoureux ?

— Dame ! il me paraît froid, c’est incontestable ; mais que voulez-vous ? vous êtes engagé !

— Sans doute, je suis engagé, mais de donner ma