Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 4.djvu/66

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— Ah ! Madame, répondit-il, pourquoi n’est-ce point à moi que cette demande s’adresse ?

— Avec vous, monsieur, dit la baronne, on n’a le droit de ne rien désirer, car on est trop sûre d’obtenir. Aussi était-ce à M. Morrel.

— Malheureusement, reprit le comte, je suis témoin que M. Morrel ne peut céder son cheval, son honneur étant engagé à ce qu’il le garde.

— Comment cela ?

— Il a parié dompter Médéah dans l’espace de six mois. Vous comprenez maintenant, baronne, que s’il s’en défaisait avant le terme fixé par le pari, non seulement il le perdrait, mais encore on dirait qu’il a eu peur ; et un capitaine de spahis, même pour passer un caprice à une jolie femme, ce qui est, à mon avis, une des choses les plus sacrées de ce monde, ne peut laisser courir un pareil bruit.

— Vous voyez, madame… dit Morrel tout en adressant à Monte-Cristo un sourire reconnaissant.

— Il me semble d’ailleurs, dit Danglars avec un ton bourru mal déguisé par son sourire épais, que vous en avez assez comme cela de chevaux.

Ce n’était point l’habitude de madame Danglars de laisser passer de pareilles attaques sans y riposter, et cependant, au grand étonnement des jeunes gens, elle fit semblant de ne pas entendre et ne répondit rien.

Monte-Cristo souriait à ce silence, qui dénonçait une humilité inaccoutumée, tout en montrant à la baronne deux immenses pots de porcelaine de Chine, sur lesquels serpentaient des végétations marines d’une grosseur et d’un travail tels, que la nature seule peut avoir cette richesse, cette sève et cet esprit.

La baronne était émerveillée.