Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 4.djvu/67

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— Eh, mais, on planterait là-dedans un marronnier des Tuileries, dit-elle ; comment donc a-t-on jamais pu faire cuire de pareilles énormités ?

— Ah ! Madame, dit Monte-Cristo, il ne faut pas nous demander cela à nous autres faiseurs de statuettes et de verre mousseline : c’est un travail d’un autre âge, une espèce d’œuvre des génies de la terre et de la mer.

— Comment cela et de quelle époque cela peut-il être ?

— Je ne sais pas ; seulement j’ai ouï dire qu’un empereur de la Chine avait fait construire un four exprès ; que dans ce four, les uns après les autres, on avait fait cuire douze pots pareils à ceux-ci. Deux se brisèrent sous l’ardeur du feu ; on descendit les dix autres à trois cents brasses au fond de la mer. La mer, qui savait ce que l’on demandait d’elle, jeta sur eux ses lianes, tordit ses coraux, incrusta ses coquilles ; le tout fut cimenté par deux cents années sous ses profondeurs inouïes, car une révolution emporta l’empereur qui avait voulu faire cet essai et ne laissa que le procès-verbal qui constatait la cuisson des vases et leur descente au fond de la mer. Au bout de deux cents ans on retrouva le procès-verbal, et l’on songea à retirer les vases. Des plongeurs allèrent, sous des machines faites exprès, à la découverte dans la baie où on les avait jetés ; mais sur les dix on n’en retrouva plus que trois, les autres avaient été dispersés et brisés par les flots. J’aime ces vases, au fond desquels je me figure parfois que des monstres informes, effrayants, mystérieux, et pareils à ceux que voient les seuls plongeurs, ont fixé avec étonnement leur regard terne et froid, et dans lesquels ont dormi des myriades de poissons qui s’y réfugiaient pour fuir la poursuite de leurs ennemis.

Pendant ce temps, Danglars, peu amateur de