Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 5.djvu/224

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— Aussi, ce que j’ai souffert, dit la jeune fille, tu ne le sauras jamais, mon seigneur.

Monte-Cristo sourit.

— Par la tombe de mon père ! dit Monte-Cristo en étendant la main sur la tête de la jeune fille, je te jure que s’il arrive malheur, ce ne sera point à moi.

— Je te crois, mon seigneur, comme si Dieu me parlait, dit la jeune fille en présentant son front au comte.

Monte-Cristo déposa sur ce front si pur et si beau un baiser qui fit battre à la fois deux cœurs, l’un avec violence, l’autre sourdement.

— Oh ! mon Dieu ! murmura le comte, permettriez-vous donc que je puisse aimer encore !… Faites entrer M. le comte de Morcerf au salon, dit-il à Baptistin, tout en conduisant la belle Grecque vers un escalier dérobé.

Un mot d’explication sur cette visite, attendue peut-être de Monte-Cristo, mais inattendue sans doute pour nos lecteurs.

Tandis que Mercédès, comme nous l’avons dit, faisait chez elle l’espèce d’inventaire qu’Albert avait fait chez lui ; tandis qu’elle classait ses bijoux, fermait ses tiroirs, réunissait ses clefs, afin de laisser toutes choses dans un ordre parfait, elle ne s’était pas aperçue qu’une tête pâle et sinistre était venue apparaître au vitrage d’une porte qui laissait entrer le jour dans le corridor ; de là, non seulement on pouvait voir, mais on pouvait entendre. Celui qui regardait ainsi, selon toute probabilité, sans être vu ni entendu, vit donc et entendit donc tout ce qui se passait chez madame de Morcerf.

De cette porte vitrée, l’homme au visage pâle se transporta dans la chambre à coucher du comte de Morcerf, et, arrivé là, souleva d’une main contractée le rideau d’une fenêtre donnant sur la cour. Il resta là dix minutes