Page:Dumas - Le Comte de Monte-Cristo (1889) Tome 6.djvu/142

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— Merci, monsieur, dit en souriant Albert, mais au milieu de ce malheur, nous sommes demeurés assez riches pour n’avoir besoin de recourir à personne ; nous quittons Paris, et, notre voyage payé, il nous reste cinq mille francs.

Le rouge monta au front de Debray, qui tenait un million dans son portefeuille ; et si peu poétique que fût cet esprit exact, il ne put s’empêcher de réfléchir que la même maison contenait naguère encore deux femmes, dont l’une, justement déshonorée, s’en allait pauvre avec quinze cent mille francs sous le pli de son manteau, et dont l’autre, injustement frappée, mais sublime en son malheur, se trouvait riche avec quelques deniers.

Ce parallèle dérouta ses combinaisons de politesse, la philosophie de l’exemple l’écrasa ; il balbutia quelques mots de civilité générale et descendit rapidement.

Ce jour-là, les commis du ministère, ses subordonnés, eurent fort à souffrir de son humeur chagrine.

Mais le soir il se rendit acquéreur d’une fort belle maison, sise boulevard de la Madeleine, et rapportant cinquante mille livres de rente.

Le lendemain, à l’heure où Debray signait l’acte, c’est-à-dire sur les cinq heures du soir, madame de Morcerf, après avoir tendrement embrassé son fils et après avoir été tendrement embrassée par lui, montait dans le coupé de la diligence, qui se refermait sur elle.

Un homme était caché dans la cour des messageries Laffitte derrière une de ces fenêtres cintrées d’entresol qui surmontent chaque bureau. Il vit Mercédès monter en voiture ; il vit partir la diligence ; il vit s’éloigner Albert.

Alors il passa la main sur son front chargé de doute en disant :