Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 1.djvu/292

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— Ah ! tu me payeras cela ! dit Sainte-Maline en faisant faire un écart à son cheval.

— Je l’espère bien, après ma commission faite.

— Schelm !

— Pour ce moment observez-vous, je vous en supplie, monsieur de Sainte-Maline ; car nous avons l’honneur d’appartenir au roi, et nous donnerions mauvaise opinion de la maison en ameutant le peuple. Et puis, songez quel triomphe pour les ennemis de Sa Majesté, en voyant la discorde parmi les défenseurs du trône.

Sainte-Maline mordait ses gants ; le sang coulait sous sa dent furibonde.

— La, la ! Monsieur, dit Ernauton, gardez vos mains pour tenir l’épée quand nous y serons.

— Oh ! j’en crèverai ! cria Sainte-Maline.

— Alors ce sera une besogne toute faite pour moi, dit Ernauton.

On ne peut savoir où serait allée la rage toujours croissante de Sainte-Maline, quand tout à coup Ernauton, en traversant la rue Saint-Antoine, près de Saint-Paul, vit une litière, poussa un cri de surprise et s’arrêta pour regarder une femme à demi voilée.

— Mon page d’hier ! murmura-t-il.

La dame n’eut pas l’air de le reconnaître et passa sans sourciller, mais en se rejetant cependant au fond de sa litière.

— Cordieu ! vous me faites attendre, je crois, dit Sainte-Maline, et cela pour regarder des femmes !

— Je vous demande pardon, Monsieur, dit Ernauton en reprenant sa course.

Les jeunes gens, à partir de ce moment, suivirent au grand trot la rue du faubourg Saint-Marceau ; ils ne se parlaient plus, même pour quereller.

Sainte-Maline paraissait assez calme extérieurement ; mais, en réalité, tous les muscles de son corps frémissaient encore de colère.