Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 1.djvu/297

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

dans mon jour malheureux, à ce qu’il paraît. Cet homme ressemblait fort cependant au portrait que nous avait fait Sa Majesté de celui à qui nous avons affaire.

Ernauton garda le silence.

— Je vous parle, Monsieur, dit Sainte-Maline exaspéré par ce sang-froid, qu’il regardait avec raison comme une preuve de mépris, et qu’il voulait faire cesser par quelque éclat définitif, dût-il lui en coûter la vie ; je vous parle, n’entendez-vous pas ?

— Celui que Sa Majesté nous avait désigné, répondit Ernauton, n’avait pas de bâton et n’avait pas de chien.

— C’est vrai, répondit Sainte-Maline, et si j’avais réfléchi j’aurais une contusion de moins à l’épaule et deux crocs de moins sur la cuisse : il fait bon être sage et calme, à ce que je vois.

Ernauton ne répondit point ; mais se haussant sur les étriers et mettant la main au-dessus de ses yeux en manière de garde-vue :

— Voilà là-bas, dit-il, celui que nous cherchons et qui nous attend.

— Peste ! Monsieur, dit sourdement Sainte-Maline, jaloux de ce nouvel avantage de son compagnon, vous avez une bonne vue ; moi je ne distingue qu’un point noir, et encore est-ce à peine.

Ernauton, sans répondre, continua d’avancer ; bientôt Sainte-Maline put voir et reconnaître à son tour l’homme désigné par le roi. Un mauvais mouvement le prit, il poussa son cheval en avant pour arriver le premier.

Ernauton s’y attendait, il le regarda sans menace et sans intention apparente ; ce coup d’œil fit rentrer Sainte-Maline en lui-même, et il remit son cheval au pas.