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Plusieurs Seigneurs de mauvaise foi, pour éluder la loi qui leur défend de vendre des terres incultes, ou de les concéder à rentes en exigeant un bonus additionnel, ont fait des concessions fictives à un agent, ou à un ami qui vend aussitôt la terre et en paie le prix au Seigneur.

Dans quelques seigneuries les Seigneurs sont des accapareurs, des spéculateurs de terres. Des terres sont mises en vente pour le paiement des droits Seigneuriaux, le Seigneur libre de toute concurrence par ses intrigues, achette les plus belles terres pour des sommes qui égalent à peine les arrérages qui lui sont dus, et il fait encore un trafic de ces terres, en les vendant à des prix élevés, ou en les concédant à des conditions infiniment plus onéreuses, s’assurant par là un monopole ruineux pour les censitaires.

On trouve encore des prohibitions, des réserves, et d’autres droits abusifs et usurpés, propres à tenir l’homme dans un état d’asservissement. Il est défendu au censitaire de construire des moulins ; mais le Seigneur se réserve de s’approprier six arpents de terre pour construire des moulins sans indemnité, excepté pour les améliorations ; le droit de prendre tout le bois pins, chênes et les billots ; la pierre, le sable et les matériaux nécessaires pour bâtir, sans payer aucune indemnité ; le droit de changer le cours des ruisseaux et des rivières pour établir des manufactures, quelque dommage que les censitaires puissent en éprouver ; le droit de traverse sur les rivières ; le droit de chasse, le droit de pêche ; enfin, les Seigneurs ont été jusqu’à stipuler que le censitaire pourrait avoir le privilége de prendre sur sa propre terre le bois dont il aurait besoin pour son usage.

Sous le régime du système seigneurial actuel, le droit de propriété du censitaire devient une pure illusion ; comme être moral, il est dégradé ; sa position est celle d’une dépendance continuelle.