Page:Dupuis - Abrégé de l’origine de tous les cultes, 1847.djvu/393

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bien nourris vivaient de ce charlatanisme, et vendaient des petits pains que l’on donnait aux malades pour procurer la guérison. Quel concours de monde, chez une nation aussi éclairée que la nôtre, n’attirait-elle pas dans son temple ! On y allait en procession pour obtenir de la pluie ou du beau temps, suivant le besoin. N’avons-nous pas vu tout le peuple de Paris aller la remercier de la prise de la Bastille, à laquelle elle n’eut guère de part, et qui a amené la révolution, dont l’effet a été de détruire son culte et de faire brûler ses ossements en place de Grève ? Je ne vois pas que le peuple civilisé diffère beaucoup du peuple sauvage en fait de culte. Il n’y a de différence que dans les formes ; mais le but est toujours le même, c’est-à-dire, d’engager la Nature et les génies qu’on croit présider à ses opérations, à se prêter à tous les désirs de l’homme. Ce but est celui de tout culte. Ôtez au peuple l’espérance et la crainte, sa religion s’évanouit.

Jamais les hommes ne sont plus pieux que lorsqu’ils sont pauvres, malades ou malheureux. C’est le besoin, plus que la reconnaissance, qui a élevé des autels aux dieux. « C’est par Plutus ou par le dieu des richesses, dit Chrémyle dans Aristophane, que Jupiter règne ; c’est pour lui qu’on fait des sacrifices. » Aussi, depuis que Plutus a enrichi un grand nombre d’hommes, Mercure se plaint que les dieux ne reçoivent plus d’offrandes, et qu’on ne leur adresse plus de prières. Un prêtre, dans la même comédie, observe qu’autrefois, quand les hommes étaient pau-