Page:Dupuis - Abrégé de l’origine de tous les cultes, 1847.djvu/476

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Je ne parlerai pas des dogmes qui ne contiennent qu’une absurdité en morale, tels que le précepte de l’humilité chrétienne. Sans doute l’orgueil est un vice et une sottise, mais le mépris qu’on a de soi-même n’est pas une vertu. Quel est l’homme de génie qui par humilité peut se croire un sot, et qui s’efforcera, pour plus grande perfection, de le persuader aux autres ? Quel est l’homme de bien qui concevra de lui-même l’opinion qu’on doit avoir d’un fripon, et toujours par humilité ? Le précepte est absurde, par cela même qu’il est impossible de porter aussi loin l’illusion. La Nature a voulu que la conscience de l’homme de bien fût la première récompense de sa vertu, et que celle du méchant fût le premier supplice de ses crimes. C’est pourtant à cette humilité qu’on promet l’Élysée, à cette humilité qui rétrécit le génie, et qui étouffe le germe des grands talents ; qui, déguisant à l’homme ses véritables forces, le rend incapable de ces généreux efforts qui lui font entreprendre de grandes choses pour sa gloire et pour celle des empires qu’il défend ou qu’il gouverne. Comment direz-vous au héros vainqueur des rois ligués contre la France, qu’il sera plus grand aux yeux de la Divinité s’il vient à bout de se persuader à lui-même qu’il ne vaut pas les généraux qu’il a vaincus ? Il aura sans doute la modestie qui est le caractère des grands talents, mais il n’aura pas cette humilité de capucin, que prêche la religion chrétienne, la seule initiation où l’on se soit avisé de faire l’apothéose de la pusillanimité, qui