Page:Dupuis - Abrégé de l’origine de tous les cultes, 1847.djvu/490

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penser que celui qui lui a interdit comme un crime ce que le besoin impérieux de la Nature commande et semble légitimer, ne l’ait également trompé en défendant ce que la morale naturelle condamne ; et que si les feux de l’amour ne sont pas des forfaits, ceux de la colère n’aient des effets également innocents, puisque le tempérament les allume tous les deux. Il est à craindre que la défense que l’on fait à l’homme de dérober le pain d’autrui en tout temps, lors même que le besoin le presse, ne lui paraisse aussi contraire aux droits que lui donne la Nature, qui a abandonné à tous les hommes la terre et ses productions ; que celle qu’on lui fait de manger le sien en certains jours, quoique la faim le lui commande, est contraire au bon sens et souvent à la santé. Il viendra peut-être à penser que les menaces de l’enfer, faites contre le premier crime, ne sont pas plus réelles que celles qui ont pour objet le second, attendu que le législateur et le prêtre qui trompent sur un point peuvent bien tromper sur deux. Comme on ne lui a pas permis de raisonner sur la légitimité des défenses qu’on lui a faites, et sur la nature des devoirs qu’on lui a imposés, et qu’il n’a d’autre règle qu’une foi aveugle, dès qu’il cesse d’être crédule, il cesse presque toujours d’être vertueux, parce qu’il n’a jamais fait usage du flambeau de la raison pour éclairer sa marche et sa conduite, et qu’on l’a toujours accoutumé à chercher ailleurs que dans son propre cœur les sources de la justice et de la morale. Dès qu’une fois le peuple ne croit plus à l’enfer, il