Page:Durand de Mende - Rational, vol 2, traduction Barthelemy, 1854.djvu/359

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sert avec amour, » comme si l’on disait : Parce que tu es père, tu as la volonté ; parce que tu es dans les cieux, tu as le pouvoir ; délivre-nous donc du mal.

IV. Et remarque que l’on dit ciel, du mot celando (céler, cacher), parce que le ciel cache les secrets de Dieu ; ou bien de celsitudine (hauteur), parce qu’il est au-dessus des choses terrestres.

V. « Mais délivre-nous du mal. »

Il existe trois maux dont nous demandons à être délivrés : le mal inné, le mal commis, le mal infligé. Le premier est contracté, c’est-à-dire originel ; le second est commis, c’est-à-dire actuel ; le troisième est supporté, c’est-à-dire infligé comme punition (pœnale). Or, nous évitons le mal par l’esprit de crainte ; car, comme dit l’Ecriture, « la crainte du Seigneur chasse le péché. »

VI. Il existe trois espèces de craintes qui nous font éviter le mal : la crainte servile, la crainte initiale et la crainte filiale. Par la crainte servile nous cessons de pécher par l’horreur du châtiment ; la crainte filiale nous détourne du mal par amour de la justice ; et la crainte initiale, en partie, nous fait éviter le péché autant par horreur du châtiment que par amour de la justice. La crainte servile est le propre de ceux qui débutent ; la crainte initiale appartient à ceux qui progressent déjà ; la crainte filiale est la prérogative de ceux qui sont arrivés à la perfection. Le prêtre dit donc : « Mais délivre-nous du mal, » comme s’il disait : Donne-nous l’esprit de crainte et la pauvreté d’esprit, afin que par l’esprit de crainte nous évitions le mal, et que par la pauvreté d’esprit nous acquérions les biens, pour que, libres de tout vice et pleins de mépris pour les choses terrestres, nous possédions les biens éternels, c’est-à-dire le royaume des cieux, que Lucifer et nos premiers parents ont perdu par la vaine gloire ou l’orgueil. Par cela donc qu’en s’humiliant le prêtre demande à être délivré du mal (ce qu’il obtient par le don de crainte), l’orgueil, opposé à la