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CHAPITRE XV


la force chez les faibles


Le mardi, M. Euphorbe Doulinet, échauffé de zèle, proposa à madame Gérard de se dévouer auprès de sa fille. Vers le milieu du jour, donc, madame Gérard quitta le salon, laissant seuls le curé et Henriette.

Celle-ci remarquait avec une certaine inquiétude d’intérêt filial le silence glacial, le visage affligé de sa mère, qui ne se livrait plus aux grands discours.

Le curé se prépara héroïquement à être tenaillé ou retourné sur le gril par la férocité d’Henriette. Il commença, penché, parlant doux et bas, comme au confessionnal, prêt à fermer les yeux au moindre geste, car il s’attendait à être saisi et écorché vif.

« Ma chère mademoiselle, mon habit et mon caractère me donnent mission de vous adresser quelques conseils et quelques petites remontrances. »

La jeune fille se laissait toujours séduire par ces exordes et croyait qu’elle allait entendre des paroles de grand sens et réellement amicales. Mais plus tard elle se moquait de sa naïveté, en scrutant la physionomie inférieure de ces prétendus oracles.

« Je crains, continua-t-il, que vous ne pensiez pas assez à Dieu.

— Mais je vous assure le contraire, répondit-elle.

— Il n’est personne, je le sais bien, qui ne vive sans avoir l’idée de Dieu présente, mais les actes de la vie sont plus ou