Page:Duranty - Le Malheur d’Henriette Gérard.djvu/295

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moins conformes à cette pensée, selon qu’elle est plus ou moins habituelle à l’esprit. Madame votre mère, par exemple, est un modèle de piété, et elle en est récompensée dans sa famille, car je ne crains pas de me tromper en osant prédire que les dissentiments cesseront avec l’aide de Dieu. Et d’après les qualités que vous et Monsieur votre frère possédez, je puis dire que madame votre mère est bénie dans sa postérité. »

Henriette pensa à la force des imbéciles ; le pauvre curé compromettait sa cause.

« J’ai peur pourtant, reprit-il, que vous ne vous écartiez de la foi. Vous ne vous présentez plus à la confession depuis longtemps. La voie que vous suivez loin de l’autel de Jésus est semée d’embûches. Elle vous entraîne, à votre insu, à des tendances mondaines, et vous porte à vous mettre en opposition avec vos parents. Vous savez qu’un de nos plus sacrés commandements veut l’obéissance. Ne donnez jamais scandale à Dieu, chère mademoiselle : la vérité divine vous abandonnerait, et vous vous égareriez. Nul n’a plus de paix que le juste. Descendez dans votre cœur, examinez vos propres déchirements, et voyez si vous avez la paix du juste. Votre chère mère, votre cher père, seraient si heureux de votre bon vouloir !… »

Le curé s’encouragea. Au lieu de montrer les dents on faisait le gros dos.

« Je voudrais vous voir convaincue que la piété doit vous guider dans la vie », ajouta le curé, charmant de douceur et de bénignité.

Elle pensait : « Les discours du curé sont vagues et sans portée ! »

« Vous attirerez la bénédiction divine sur votre tête, chère Demoiselle, en renonçant à des sentiments que notre sainte Église réprouve, reprit la voix nasillarde et cadencée du prêtre. Il n’y a de vérité que dans la vertu, toutes les vertus, vous n’en doutez pas.

— Cela est écrit dans tous les sermons, dit Henriette, qui commença à s’animer, étant touchée à l’endroit sensible.

— La vie ici-bas n’est qu’un long renoncement, s’écria le curé, transporté de son argument. Plus nous renonçons, plus