Page:Duret - Voyage en Asie.djvu/240

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bœufs compensent le temps qu’on les fait marcher par la diminution de vitesse. Nous voici venus à ne plus faire que deux kilomètres à l’heure. La nuit, on se réveille à moitié ; quand on se sent voituré à ce pas de tortue et qu’on entend pendant de longues heures les bouviers se renvoyer de l’un à l’autre, sur le même air plaintif et traînant, les strophes de quelque interminable chant cingalais, on referme les yeux comme si l’on ne devait plus les ouvrir. C’est à donner l’idée du sommeil éternel.

La route que nous avons prise est celle que suivent les coulies tamouls qui viennent de l’Inde travailler aux plantations de café. La récolte du café approche, et en ce moment la migration des coulies est considérable ; nous ne cessons d’en rencontrer voyageant par bandes, hommes, femmes et enfants. Ce sont gens fort doux, sobres et économes. On ne peut s’empêcher d’avoir pour eux de la sympathie, quand on les voit ainsi entreprendre cette migration pour ramasser un petit pécule qu’ils consacreront ensuite, dans leur village, à l’achat d’un attelage de labour ou à la location d’un coin de terre. Chacun porte sur sa tête son petit bagage, sa provision de